L’AVÈNEMENT des technologies de séquençage massivement parallèles (NGS) a révolutionné l’analyse génomique depuis 2005 où sont apparus sur le marché les premiers séquenceurs de nouvelle génération, capables de séquencer plusieurs milliers de fragments simultanément – soit d’une grande partie du génome pour un même patient, soit d’une faible partie du génome de plusieurs patients à la fois.
Des séquenceurs de paillasse.
Après préparation de l’échantillon et amplification de l’ADN, la synthèse du brin complémentaire à celui à séquencer est effectuée nucléotide par nucléotide de manière contrôlée et le résultat est analysé, les deux principales méthodes d’identification des nucléotides intégrés faisant appel à la fluorescence et aux microvariations de pH. Une des trois premières technologies de NGS apparues a opté pour une stratégie de séquençage par synthèse proche de la méthode de Sanger, où l’élongation est terminée par addition des nucléotides modifiés, chacun associé à un fluorophore différent, dont on enregistre le signal spécifique à chaque addition. Plusieurs technologies se sont plus récemment affranchies des fluorophores. La Ion Personal Genome Machine (PGM) [1] s’appuie sur les variations de pH que provoque la libération d’un proton lors de l’incorporation d’un nucléotide. Les réactions sont effectuées dans des micropuits : des microtransistors détectent des infimes variations de pH. Cette miniaturisation a permis de multiplier leur nombre sur un faible espace, ce qui explique la commercialisation pour la première fois d’un séquenceur NGS « de paillasse », plus particulièrement destiné, comme une autre plateforme de petite taille lancée ensuite, à des applications cliniques et des petits laboratoires.
En cancérologie.
L’application prédominante du NGS dans un contexte clinique est sans doute le séquençage de l’ADN génomique de régions ciblées, plus que du génome entier qui reste un domaine relativement marginal. Dans le domaine du cancer, ces techniques permettent ainsi le diagnostic des prédispositions et la caractérisation d’altérations génétiques somatiques (mutation ponctuelle, translocation ou amplification), avec le séquençage de gènes ciblés dont les modifications pourraient être des indicateurs pronostiques ou de réponse thérapeutique (mutations du gène EGRF, de KRAS, de KIT…). Il s’agira par exemple de suivre la maladie résiduelle, de permettre la prescription de thérapies ciblées et détecter de façon précoce des résistances au traitement. Les avantages, indique le Pr Pierre-Laurent Puig (Paris), « c’est d’avoir une vue d’ensemble d’un certain nombre de gènes, c’est-à-dire de passer d’une activité artisanale à une activité un peu industrielle, et de pouvoir réaliser en peu de temps un grand nombre de séquences pour un individu donné ou plusieurs individus ».
Bientôt dans la pratique courante.
« Le NGS ne présente aucun inconvénient spécifique, souligne-t-il, la question est plus de mettre en place la bio-informatique qui se trouve derrière ». En effet, la génération d’une énorme quantité d’informations nécessiteront pour leur analyse et leur interprétation un traitement informatique dur relativement important. L’installation de ces techniques représente « un changement de culture pour un certain nombre de laboratoires, une modification des habitudes de travail » ajoute le Pr Puig. Le seul inconvénient des NGS sera leur coût qui reste important. Si le NGS n’est pas encore en pratique courante, « il va le devenir, prévoit l’oncologue et biologiste moléculaire ; de plus en plus de laboratoires sont équipés, et l’année 2014 devrait être charnière, avec des financements par exemple de l’Institut national du cancer pour sa mise en place ».
Parmi les autres applications du NGS : la caractérisation du transcriptome par ARNseq, le profilage des protéines liant l’ADN et des modifications épigénétiques (profil de méthylation des cytosines).
On notera que, dans le séquençage d’exome, la découverte fortuite d’altérations génétiques pourra poser des problèmes éthiques devant l’existence de maladies génétiques insoupçonnées. On assistera peut-être dans un futur proche à une autre révolution, celle de séquenceurs de troisième génération, en cours de développement, permettant le décryptage direct d’une seule molécule d’ADN et s’affranchissant ainsi de l’étape d’amplification. Mais aucune machine n’est encore commercialisée.
› DOMINIQUE MONNIER
D’après un entretien avec Pierre-Laurent Puig, PUPH, service de biochimie de l’hôpital européen Georges-Pompidou et directeur de l’unité de recherche Inserm UMR-S775 à l’université de médecine Paris-Descartes.
(1) Rothberg et al. Nature 2011; 475:348-52.
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