Les nouvelles recommandations de 2018 ont fait évoluer la prise en charge du cancer colorectal métastatique (CCRM). Celle-ci dépend de plusieurs facteurs : le patient, la symptomatologie, la taille, la localisation et le nombre des métastases ainsi que de la biologie moléculaire de la tumeur (statut RAS et BRAS). Une mutation de BRAF - 7 % des cas - péjorative, nécessite d’intensifier le traitement. Une mutation de RAS - 40 à 50 % des cas - exclut le recours aux anti-EGFR (cétuximab, panitumab). Enfin une instabilité des microsatellites (MSI) - 5 % des cas - est très prédictive de l’efficacité de l'immunothérapie.
La résection en ligne de mire
Le caractère - d'emblée résécable, potentiellement ou jamais résécable - conditionne la stratégie mise en œuvre.
La résection des métastases est en effet un enjeu majeur car elle permet, si elle est complète, des survies prolongées (40 % à 5 ans versus moins de 5 % en l’absence de résection) et des guérisons (20 % après résections R0). La réunion de concertation multidisciplinaire, avec un chirurgien spécialisé en chirurgie hépatobiliaire est importante pour expertiser au mieux ces dossiers tout au long de la prise en charge. D'autant que les progrès des techniques chirurgicales associés à ceux des destructions focalisées (radiofréquence, radiothérapie…) ont permis d’élargir les indications.
Des stratégies fonction de la résécabilité, la symptomatologie et la biologie
Dans les formes d'emblée résécables
La résection est encadrée d'une chimiothérapie de six mois par FOLFOX.
Dans les formes potentiellement résécables
Un traitement intensif préchirurgical est recommandé. Il s'agit d'une bi- ou trichimiothérapie (biCT ou triCT) plus une biothérapie privilégiant un anti-EGFR (cétuximab, panitumumab) pour son impact sur la taille des tumeurs ou encore une triCT associée à un anti-VEGF (bevacizumab). Pour les tumeurs RAS mutées, c'est une biCT, ou de préférence une triCT, associée au bévacizumab qui est privilégiée. Le traitement pré-opératoire est d’environ quatre mois suivis de deux mois en postopératoire avec la même chimiothérapie sans biothérapie.
Dans les formes jamais résécables
La situation est plus complexe. Il faut tenir compte à la fois de la symptomatologie tumorale et de l'état général (comorbidités) du patient.
Si la symptomatologie tumorale est importante, pour soulager le patient il faut traiter vite et bien par bi- ou triCT/biothérapie comme dans les formes potentiellement résécables.
En revanche dans les formes non symptomatiques chez un sujet en bon état général deux stratégies s'opposent :
• traitement intensif d'attaque (bi- ou triCT ± biothérapie) suivi d'un traitement d'entretien ou d'un arrêt (pause thérapeutique); ou
• traitement non intensif d'attaque (5FU ± bevacizumab) intensifié par la suite lors de la progression. Le choix du patient doit alors être pris en compte.
Enfin chez les sujets avec de nombreuses comorbidités, on fait au mieux (monochimiothérapie ± bevacizumab ou biCT à dose ajustée ± biothérapie ).
Seconde ligne, troisième ligne : les traitements évoluent
Les recommandations 2018 ont intégré la problématique de la séquence thérapeutique des biothérapies qui impacte leur efficacité (1).
En seconde ligne, on utilisera un antiangiogénique si un anti-EGFR a été utilisé en première ligne (avec switch de la chimiothérapie). À l’inverse, il conviendra de maintenir la pression antiangiogénique si l'anti-VEGF a été bénéfique en première ligne. Dans ce cas, sera proposé un switch de la chimiothérapie toujours associé au bévacizumab ou à l’aflibersept (autre antiangiogénique uniquement agréé avec le folfiri en deuxième ligne). En revanche, le choix d’un anti-EGFR en deuxième ligne après un antiangiogénique en première ligne devra être évité, cette séquence paraissant délétère dans toutes les études menées (avis d'expert).
Enfin en troisième ligne, de nouveaux traitements oraux sont actuellement disponibles : le trifluridine/tipiracil (fluoropyrimidine de nouvelle génération) et le regorafénib (inhibiteur de tyrosine kinase à forte activité antiangiogénique). Leur profil de tolérance, très différent, peut orienter le choix.
La ré-introduction d'un anti-EGFR chez un patient initialement sensible puis résistant est envisageable selon des données préliminaires de phase II. La biopsie liquide, qui permet de suivre l'évolution du profil mutationnel de RAS, pourrait permettre de piloter cette réutilisation des anti-EGFR.
Enfin, l’immunothérapie apparaît extrêmement efficace chez les 5 % de patients présentant une tumeur MSI. Ces patients doivent être inclus dans les essais thérapeutiques disponibles en attendant les autorisations d’utilisation.
D'après un entretien avec le Pr Jean-Marc Phelip (CHU de St Etienne), secrétaire général de la Fédération francophone de cancérologie digestive (FFCD) (1) Phelip JM et al. «Cancer colorectal métastatique». Thésaurus National de Cancérologie Digestive, Février 2018http://www.tncd.org
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