Proposée après une résection chirurgicale à visée curative en cas d’adénocarcinome du pancréas localisé non métastatique (pouvant faire l’objet d’une résection R0 d’emblée), la chimiothérapie adjuvante est essentielle. En effet, après une résection chirurgicale, même supposée complète, plus de 75 % des patients ont une récidive tumorale. En raison de ce risque élevé (1), une chimiothérapie adjuvante est systématiquement indiquée indépendamment de la classification pTNM. Plus que le délai avant de l’initier (< 3 mois), l’important est de réaliser la totalité de la chimiothérapie choisie (6 mois) [2]. Quant à la radiochimiothérapie, elle n’a pas d’indication en France en situation adjuvante, même en cas de résection R1.
Un nouveau protocole de référence
Suite aux résultats des études ESPAC-1, CONKO-01 puis ESPAC-3, la chimiothérapie adjuvante reposait jusqu’à présent sur la gemcitabine ou le fluoro-uracile, seuls ou associés (3, 4, 5, 6). Cependant, l’année 2018 a été marquée par les résultats de l’étude PRODIGE 24 présentés à l’ASCO (1). Cet essai de phase III a permis d’imposer, comme le nouveau standard de chimiothérapie adjuvante, le schéma FOLFIRINOX modifié pendant 6 mois : sans bolus de 5FU et, suite à un amendement pendant l’essai, une dose d’irinotécan réduite à 150 mg/m2 afin de limiter la toxicité médullaire et digestive. Il a inclus 493 patients en bon état général postopératoire (ECOG 0 ou 1), âgés jusqu’à 79 ans maximum, avec un scanner postopératoire normal et un Ca 19-9 sérique < à 180 U/ml. Ceux-ci recevaient soit 12 cycles de mFOLFIRINOX, soit 6 cycles de gemcitabine. Avec un suivi médian de 33,6 mois, la survie sans maladie (objectif principal) était significativement prolongée avec le mFOLFIRINOX : 21,6 mois vs 12,8 mois sous gemcitabine (HR = 0,58 ; p < 0,0001), soit 39,7 % vs 21,4 % des patients sans maladie à 3 ans.
Le bénéfice était présent dans tous les sous-groupes (taux de Ca 19-9, R0/R1, N0/N + ou délai d’initiation > 8 semaines). La survie globale était très supérieure chez les patients traités par mFOLFIRINOX (54,4 vs. 35 mois, HR = 0,64, p = 0,003), bien que celle des patients sous gemcitabine (35 mois) soit la plus élevée jamais rapportée. Cela est probablement lié à la sélection des patients pour le traitement adjuvant (taux de CA 19.9 bas et scanner postopératoire), plus stricte que celle des essais antérieurs (ESPAC-4). La probable administration de FOLFIRINOX après progression a peut-être aussi joué un rôle.
En termes de tolérance, il n’y avait pas plus de neutropénies fébriles dans le groupe mFOLFIRINOX qu’avec la gemcitabine, mais 60 % des patients avaient reçu un GCSF.
Et chez les patients non éligibles ?
Néanmoins, une proportion non négligeable de patients n’est pas éligible au mFOLFIRINOX en raison de leur état général. Le choix peut alors se porter vers le fluoro-uracile ou la gemcitabine seuls. Même si dans l’essai ESPAC-4 paru en 2017 l’association gemcitabine plus capécitabine était supérieure à la gemcitabine seule (6), les résultats de cette association étaient contestés en raison de l’absence de scanner postopératoire, d’un taux de CA 19.9 parfois élevé et de l’absence de bénéfice significatif en termes de survie sans maladie.
Actuellement, les malades opérables devraient au mieux être inclus dans l’essai PANACHE-01 testant l’impact d’une chimiothérapie néoadjuvante « vraie » par 5-fluorouracile et oxaliplatine, sans ou avec irinotécan, avant chirurgie versus chirurgie d’emblée. La chimiothérapie adjuvante est laissée au choix des investigateurs mais la durée est fixée à 4 mois pour les patients prétraités par deux mois de chimiothérapie néoadjuvante. Les résultats de l’essai APACT, comparant en adjuvant l’association gemcitabine-nab-paclitaxel par rapport à la gemcitabine seule, sont également attendus.
Enfin, pour les tumeurs borderline ou localement avancées, ne pouvant faire l’objet d’une résection R0 d’emblée, une chimiothérapie d’induction est indiquée au préalable (le terme de « néoadjuvant » devant être réservé aux tumeurs réellement résécables d’emblée). Il n’existe pas d’étude randomisée permettant de répondre à la question de la chimiothérapie adjuvante chez les patients ayant reçu un traitement d’induction. Ainsi, l’administration d’une chimiothérapie pendant une durée de six mois (à laquelle est soustraite celle du traitement d’induction) peut être proposée après discussion en réunion de concertation pluridisciplinaire.
Pour les tumeurs borderline inclus dans l’essai PANDAS, évaluant la chirurgie après une chimiothérapie d’induction par FOLFIRINOX suivie ou non d’une radiochimiothérapie, la chimiothérapie adjuvante proposée dans ce protocole est la gemcitabine ou le LV5FU2 (le protocole ayant été créé avant les résultats de PRODIGE 24).
Les principales recommandations pour la chimiothérapie adjuvante sont maintenant résumées dans la version 2 018 du thésaurus national de cancérologie digestive.
Hôpital Beaujon, Clichy
(1) Conroy T, Hammel P, Hebbar M, and al (2018). Unicancer GI PRODIGE 24/CCTG PA.6 trial: A multicenter international randomized phase III trial of adjuvant mFOLFIRINOX versus gemcitabine (gem) in patients with resected pancreatic ductal adenocarcinomas. J Clin Oncol, 36 suppl, abstr LBA4001 et N Engl J Med 2018, in press.
(2) Valle J.W, Palmer D, Jackson R and al (2014). Optimal duration and timing of adjuvant chemotherapy after definitive surgery for ductal adenocarcinoma of the pancreas: ongoing lessons from the ESPAC-3 study. J Clin Oncol, 32(6), 504-512. doi:10.1200/JCO.2013.50.7657
(3) Neoptolemos J.P, Dunn J.A, Stocken D.D and al. European Study Group for Pancreatic C. (2001). Adjuvant chemoradiotherapy and chemotherapy in resectable pancreatic cancer: a randomised controlled trial. Lancet, 358(9293), 1576-1585.
(4) Oettle H, Neuhaus P, Hochhaus A and al (2013). Adjuvant chemotherapy with gemcitabine and long-term outcomes among patients with resected pancreatic cancer: the CONKO-001 randomized trial. JAMA, 310(14), 1473-1481. doi:10.1001/jama.2013.279201
(5) Neoptolemos J.P, Stocken D.D, Bassi C and al. European Study Group for Pancreatic C (2010). Adjuvant chemotherapy with fluorouracil plus folinic acid vs gemcitabine following pancreatic cancer resection: a randomized controlled trial. JAMA, 304(10), 1073-1081. doi:10.1001/jama.2010.1275
(6) Neoptolemos J. P, Palmer D.H, Ghaneh P and al. European Study Group for Pancreatic C (2017). Comparison of adjuvant gemcitabine and capecitabine with gemcitabine monotherapy in patients with resected pancreatic cancer (ESPAC-4): a multicentre, open-label, randomised, phase 3 trial. Lancet, 389(10073), 1011-1024. doi:10.1016/S0140-6736(16)32409-6
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