On sait que le tabagisme augmente la mortalité et le risque de second cancer. Une analyse menée en 2014 sur plus de 400 études estimait que le tabagisme post-diagnostic de cancer — tous cancers confondus — augmentait à la fois le risque de mortalité spécifique par cancer et de mortalité totale, d’environ 50-60 %. Et, en 2020, une métaanalyse menée dans les cancers du poumon et de la tête et du cou mettait en évidence un bénéfice en survie lié au sevrage. Néanmoins, on manquait de données à long terme et aucune étude ne permettait de préciser quel était le moment optimal pour ce sevrage.
Aujourd’hui, une étude de cohorte prospective montre que, plus ce sevrage est entrepris précocement après le diagnostic plus le bénéfice est optimal (1). Un sevrage entrepris dans les six premiers mois est associé au meilleur bénéfice en survie quand, passé six mois, ce bénéfice se réduit. « En pratique clinique, le sevrage devrait donc être intégré aux premières lignes de traitement », concluent les auteurs.
Une cohorte prospective de près de 5 000 patients fumeurs
Ce travail repose sur une cohorte prospective rassemblant 4 526 fumeurs qui, après avoir eu un diagnostic de cancer, ont participé à un programme de sevrage (Tobacco research and Treatment Programme TRTP), mené au centre Anderson de cancérologie de l’université du Texas à Houston entre 2006 et 2022.
Ces sujets ont 55 [45-62] ans d’âge médian et quasi 50 % sont des femmes. Les cancers les plus représentés sont le cancer du sein (18 %), le cancer du poumon (17 %), les cancers de la tête et du cou (13 %) et les cancers hématologiques (8 %).
Ce programme consistait en 6 à 8 consultations personnalisées — la plupart par télémédecine — associées à trois mois de traitement médicamenteux. Le sevrage était évalué à 3, 6 et 9 mois après ces consultations (il était reconnu si zéro cigarettes étaient fumées dans les 7 jours précédents, sur déclaration et taux de CO).
Le critère primaire est la corrélation entre la survie et le sevrage. Les analyses multivariées ont été ajustées sur l’âge au diagnostic, le stade du cancer, le sexe, l’ethnie, la localisation du cancer et le délai entre le diagnostic et l’entrée dans le programme d sevrage.
Le suivi médian est de 8 [3,3-12] ans. Les taux de sevrage observés sont respectivement de 47 % à 3 mois, 50 % à 6 mois et 50 % à 9 mois.
Bénéfice jusqu’à dix ans plus tard
Le sevrage, versus le non-sevrage à 3 mois après le diagnostic, est associé à un bénéfice significatif en survie à 5 ans (77 vs 73 %) et à 10 ans (65 vs 61 %). Comme la survie médiane n’était pas atteinte pour la plupart des patients, l’analyse des survies a été menée au 75e percentile en survie. Résultat, chez les sujets sevrés à trois mois, au 75e percentile, la survie était de 5,7 versus 4,4 ans chez les non-abstinents. Soit un bénéfice de 1,3 an.
Plus globalement à 15 ans de recul, la survie augmente avec la précocité du sevrage. En effet le bénéfice relatif en survie est de 25 % pour un sevrage dans les 3 mois (RRa=0,75), de 21 % pour un sevrage dans les 6 mois (RRa=0,79) et descend à 15 % pour un sevrage à 9 mois du diagnostic (RRa=0,85).
La meilleure survie est associée à l’entrée dans le programme de sevrage dans les six mois après diagnostic, versus entrée entre six mois et cinq ans après. Parmi ces patients, au 75e percentile, ceux qui ont pu se sevrer ont une survie de 3,9 versus 2,1 ans pour les non-abstinents. Soit un bénéfice en survie de 1,8 an au 75e percentile. Leurs survies à 5 ans (71 vs 61 %) et 10 ans (58 vs 52 %) sont aussi significativement améliorées.
L’entrée dans le programme entre 6 mois et 5 ans après le diagnostic est encore associée à un bénéfice, mais il est plus réduit. On est, au 75e percentile, à 6 ans versus 4,8 ans de survie. Soit un bénéfice en survie de 1,2 an au 75e percentile.
(1) PM Cinciripini et al. Survival Outcomes of an Early Intervention Smoking Cessation Treatment After a Cancer Diagnosis. JAMA Oncol 2024
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