Chercheur à l’INSERM et responsable de la cohorte « agriculture et cancer » (AGRICAN) au centre régional de lutte contre le cancer François Baclesse (Caen), le Dr Pierre Lebailly a présenté des résultats préliminaires qui suggèrent que l’impact sanitaire de l’usage de pesticides en termes d’incidence des cancers serait très hétérogène en fonction des sous-populations d’agriculteurs, et en particulier selon les types de culture ou d’élevage, ainsi que les tâches exercées.
Lancée en 2005, la cohorte AGRICAN qui vise à évaluer l’incidence des cancers et la mortalité en milieu agricole, inclut environ 184 000 personnes affiliées à la Mutualité sociale agricole (MSA) au sein de 11 départements couverts par un ou plusieurs registres des cancers.
Concernant le cancer du poumon, « sur les 388 cas incidents, après prise en compte du tabagisme plus faible en milieu agricole, les personnes impliquées dans la culture du pois fourrager sont les plus à risque, et vraisemblablement plutôt celles qui effectuent des tâches de récolte », explique le Dr Lebailly. « Pour l’arboriculture ou la culture de légumes en plein champ, c’est moins net mais il y a une tendance à cette association », ajoute-t-il.
Un risque multiplié par 2
Les résultats mettent par ailleurs en évidence un probable effet dose avec un doublement du risque de cancer du poumon chez les personnes ayant exercé plus de 20 ans en culture de pois fourragers ou de légumes en plein champ. S’agissant du cancer de la prostate, l’analyse des 1 684 cas de la cohorte fait état d’une surreprésentation dans les élevages de bovins, certainement dû à l’utilisation d’insecticides sur les animaux. L’usage de pesticides et la tâche de récolte en arboriculture, ainsi que l’usage de pesticides dans les cultures de pommes de terre seraient également associés à un surrisque de cancer de la prostate.
Pour l’instant, la cohorte n’offre des résultats de ce type que sur deux localisations cancéreuses. D’autres publications sont à venir, notamment pour les cancers hématologiques, de la vessie, du cerveau, du cancer colorectal, du pancréas et du rein. « À ce stade, on n’a pas de résultat sur l’effet de pesticides spécifiques dans le cadre d’exposition directe », commente le Dr Lebailly. Les effets selon les familles chimiques de pesticides seront pris en considération au sein de l’étude PESTIMAT qui commencera à intégrer dès l’année prochaine les données de la cohorte AGRICAN.
Des niveaux inférieurs à la population générale
Par ailleurs, en l’absence de registre de morbidité en France sur l’asthme ou la maladie de Parkinson par exemple, il s’avère plus difficile de documenter d’autres événements de santé au sein d’AGRICAN, même si nous avons déjà publié des résultats sur la bronchite chronique et sur l’asthme », note le Dr Lebailly. Présentées en 2011, des données de mortalité par cancer comparées à celles de la population générale ont mis en évidence des risques de décès globalement inférieurs au sein du milieu agricole. Concernant l’incidence tous cancers confondus, « il existe un petit déficit de risque dans la population agricole d’affiliés du régime MSA », souligne le Dr Lebailly. Dans le détail, « on constate toutefois un excès significatif de myélome multiple chez les hommes et de mélanome cutané chez les femmes, ainsi que des tendances à des excès pour d’autres cancers qui ne sont pas encore significatifs », peut-être seulement à ce stade de l’étude, précise-t-il.
* Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail
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