« CONTRAIREMENT à ce qui était pensé dans les années 1980, les schizophrènes ne sont pas protégés du cancer, loin de là. Alors que ces patients ont une mortalité 4 fois plus élevée que la population générale, notre étude épidémiologique montre que le cancer est la deuxième cause de décès. C’est un résultat important car très peu de données étaient disponibles sur le sujet jusque-là. Notre cohorte a inclus 3 470 patients pour un suivi de 11 ans », explique au «Quotidien» le Pr Frédéric Limosin, psychiatre au CHU de Reims et auteur principal de l’étude parue dans Cancer. « Il est bien connu que pour les affections somatiques, les sujets schizophrènes sont négligés par le corps médical. Globalement, leur espérance de vie est amputée de 20 %, ce qui est énorme. Pour expliquer cette surmortalité précoce, c’est-à-dire avant 65 ans, plusieurs raisons étaient avancées : le suicide, 1ère cause de décès, le syndrome métabolique et les maladies cardio-vasculaires, overdoses et agressions. En revanche pour les cancers, les données étaient très controversées. Les premières études épidémiologiques, contredites par la suite, tendaient en effet à montrer une moindre proportion de cancers chez les sujets schizophrènes. De grands débats ont eu lieu alors autour de cette protection présumée et d’un effet potentiel antitumoral des neuroleptiques ».
Cancers du sein et du poumon.
Cette étude française, rigoureuse sur le plan méthodologique, vient souligner la nécessité d’accorder plus de soins et d’attention à la prise en charge somatique des sujets schizophrènes. « Plus d’une centaine de secteurs de psychiatrie ont participé, ce qui fait que la cohorte est très représentative. Chaque service était recontacté pour mettre à jour les données une fois par an tout au long du suivi », détaille le Pr Limosin. Il est apparu que le cancer du sein est surreprésenté chez les femmes schizophrènes, tandis qu’il s’agit du cancer du poumon chez l’homme. Tous cancers confondus, la surmortalité reste significative chez la femme, mais plus chez l’homme. « Les hommes schizophrènes fument plus que la population générale, et ce en plus grosses quantités, le fait est bien connu. Pour les femmes, le retard diagnostique joue probablement un rôle important. Les patients psychotiques prêtent en effet peu d’attention à leurs symptômes somatiques. De plus, il est souvent difficile de leur proposer le traitement optimal et leur compliance est moins bonne que la population générale », explique le psychiatre rémois. Il serait intéressant à l’avenir de disposer de données complémentaires sur l’histologie, l’effet des antipsychotiques et l’influence de facteurs sociaux dans l’accès aux soins. Il semble important que les psychiatres s’enquièrent du suivi médical de leurs patients schizophrènes et de leur compliance au traitement proposé.
Cancer, publié en ligne le 22 juin 2009.
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