Les personnes vivant avec la polyarthrite rhumatoïde (PR) présentent bel et bien un risque de cancer accru par rapport à la population générale. Et cet excès de risque relatif atteindrait 20 %. C’est ce qui se dégage d’une vaste étude observationnelle française financée par l’Inca et l’AP-HP et publiée fin octobre dans le Lancet Regional Healh Europe.
Alors que la PR reste « la maladie inflammatoire systémique la plus commune », des études suggèrent depuis une dizaine d’années que les patients touchés par cette pathologie présenteraient un risque de cancer 10 à 30 % plus élevé que la population générale, rappellent les auteurs de ces travaux. Cependant, selon eux, ces estimations restent imprécises, en particulier vis-à-vis des cancers peu fréquents. En outre, les avancées thérapeutiques marquées ces dernières années « pourraient avoir affecté le risque de cancer en atténuant l’activité de la maladie ou au contraire en altérant la réponse immunitaire antitumorale ».
Une vaste étude de cohorte
Dans ce contexte, des chercheurs et cliniciens de l’AP-HP, la Sorbonne, l’Inserm, l'Institut Pierre Louis d'Epidémiologie et de Santé publique ont décidé de se repencher sur le sujet, et de « comparer le risque de cancer (…) de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde par rapport à celui de la population générale et en fonction de leur exposition à des traitements ». Le tout, en France.
Pour ce faire, ils se sont appuyés sur le Système national de données de santé (SNDS) : ont été recueillies des données de 257 074 patients de plus de 20 ans pris en charge pour une PR entre 2010 et 2020, et suivis pendant une durée médiane de 8,7 ans – correspondant à un total de plus de 2 098 000 personnes-année. Les taux d’incidence standardisés de divers cancers ont alors été calculés pour cette cohorte, et comparés à ceux retrouvés en population générale (issus du Réseau français des registres de cancers - Francim).
Surrisque de cancers… liés au tabagisme
Résultats : cette étude « confirme un risque de cancer (tous cancers confondus) accru chez les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde par rapport à la population générale, avec un excès de risque relatif de 20 % », concluent les auteurs. Les hommes étaient particulièrement touchés, avec « un excès relatif de risque tous cancers de 34 % » – contre 8 % pour les femmes.
En outre, ce surrisque de cancer apparaissait singulièrement élevé pour certaines localisations cancéreuses. À l’instar des cancers du poumon (avec un ratio standardisé d’incidence, RSI ou SIR, de 1,41), de la vessie (SIR = 2,38), du col de l’utérus (SIR = 1,80), ou encore de la peau (mélanome) (SIR = 1,37). À noter : certains de ces cancers étant connus comme liés au tabagisme, les chercheurs formulent l’hypothèse d’un rôle de l’exposition au tabac chez les patients atteints de PR – alors qu’une association entre tabagisme et risque de développer la maladie dysimmunitaire est montrée. Le cancer du col, lui, pourrait se voir favorisé par l’immunodépression liée aux traitements et son éventuel impact sur les infections à HPV.
Sans surprise, divers cancers hématologiques s’avéraient aussi plus fréquents chez les patients atteints de PR. Un constat cohérent avec la littérature disponible. « Cependant, un résultat important et encourageant est la diminution du risque de certains lymphomes non hodgkiniens au cours de la période 2016-2020 par rapport à 2010-2015 », nuancent les chercheurs, qui entrevoient l’effet bénéfique potentiel d’un meilleur contrôle de l’inflammation grâce aux progrès des traitements.
Les patients sous rituximab et abatacept très touchés
De façon surprenante, certains cancers se révélaient au contraire sous-représentés chez les patients atteints de PR par rapport à la population générale. C’était le cas des cancers du sein (SIR = 0,91) ou de l’endomètre (SIR = 0,77) – les chercheurs évoquant de possibles facteurs hormonaux protecteurs –, et même du pancréas (SIR = 0,90).
Par ailleurs, certains médicaments étaient associés à davantage de cancers. « Les patients actuellement exposés au rituximab ou à l'abatacept étaient confrontés au risque de cancer le plus élevé », détaillent les auteurs. Cette observation est toutefois à interpréter avec précaution. Par exemple, le rituximab, jusqu’à présent considéré comme particulièrement sûr, pourrait s’avérer très prescrit aux patients les plus à risque de cancer.
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