LA CARACTÉRISATION relativement récente d’anomalies cytogénétiques, fonctionnelles et moléculaires de la cellule cancéreuse a permis d’aboutir à la notion d’oncogènes, des gènes dont la mutation a pour conséquence la cancérisation et la progression de la tumeur (1). De même, l’inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs par une mutation augmente le risque de cancer. Ces progrès ont permis de caractériser des anomalies uniquement présentes dans des sous-types d’un cancer donné.
Depuis la découverte des oncogènes, de nouvelles cibles thérapeutiques spécifiques des cancers ont été découvertes. Les traitements qui en résultent, nommés « thérapeutiques ciblées », ont une certaine spécificité anticancéreuse que n’avaient pas les traitements plus anciens.
La communication intracellulaire se fait le plus souvent par phosphorylation ou déphosphoration de divers substrats. Ces réactions chimiques sont régulées par des protéines kinases, au nombre de plus de 500 dans le génome humain, dont 90 tyrosine kinases, ce qui a fait employer le terme de « kinome », sur le modèle de génome (2).
Les tyrosine kinases sont ainsi devenues des cibles thérapeutiques privilégiées en cancérologie.
La protéine de fusion EML4-ALK constitue également une nouvelle cible thérapeutique dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC). Il s’agit d’un oncogène impliqué dans certains adénocarcinomes bronchiques. Cette protéine résulte d’une inversion au niveau du bras court du chromosome 2 induisant l’expression d’une activité tyrosine kinase chimérique. Des études récentes ont montré les corrélations entre le profil clinique et anatomopathologique des cancers bronchiques et le « réarrangement EML4-ALK », qui peut être détecté par hybridation in situ avec des sondes fluorescentes (FISH, en anglais, pour « Fluorescence In Situ Hybridization ») ou par immunohistochimie (3).
Le nouveau champion de la lutte contre le cancer.
Il est ainsi important de rechercher ce réarrangement car les patients dont des tumeurs EML4-ALK sont mutées peuvent bénéficier d’une prise en charge par le crizotinib, un inhibiteur sélectif des récepteurs de la kinase ALK, nommé dans un éditorial du « New England Journal of Medicine » le « nouveau champion de la lutte contre le cancer » (4, 5). Un certain nombre d’études peuvent ainsi être considérées comme « l’ébauche de stratégies thérapeutiques modernes fondées sur des traitements personnalisés ». L’individualisation thérapeutique dans la prise en charge des CBNPC de stade IV peut alors avoir une pertinence clinique réelle, y compris en seconde intention, moins de 50 % des patients ayant un CBNPC avancé ne bénéficiant pas actuellement d’une chimiothérapie dans ce contexte, en raison de leur état général.
Chez les patients atteints d’un carcinome rénal métastatique, de même, le traitement par sunitinib, une molécule ciblant le récepteur du VEGF, s’est accompagné d’un bénéfice significatif. Une autre thérapie ciblée, le temsirolimus, un inhibiteur sélectif de la protéine mTOR, est indiqué en traitement de première intention du carcinome rénal avancé chez les patients présentant au moins 3 des 6 facteurs de risque pronostique. Ce traitement se traduit par une augmentation significative de la médiane de survie et de la survie sans progression.
L’axitibib, un inhibiteur de tyrosine kinase inhibant les VEGFR1, VEGFR2 et VEGFR3, a fait l’objet du programme d’études AGILE, en seconde ligne dans le traitement du carcinome rénal avancé.
D’après le symposium « New paradigms in lung cancer treatment » et la conférence de presse, organisés par Pfizer dans le cadre de l’European Multidisciplinary Cancer Congress, Stockholm.
(1) Hanahan D, Weinberg RA. Hallmarks of cancer : the next generation. Cell 2011 ; 144 (5) : 646-74.
(2) Manning G, et coll. The protein kinase complement of the human genome. Science 2002 ; 298 : 1912-34.
(3) Horn L, Pao W. EML4-ALK : honing in on a new target in non-small-cell lung cancer. J Clin Oncol 2009 ; 27 (26) : 4232-5.
(4) Shaw AT, et coll. Effect of crizotinib on overall survival in patients with advanced non-small-cell lung cancer harbouring ALK gene rearrangement : a retrospective analysis. Lancet Oncol 2011 Sep 16.
(5) Hallberg B, Palmer RH. Crizotinib - latest champion in the cancer wars? N Engl J Med 2010 ; 363 (18) : 1760-2.
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