Protection contre le système immunitaire

Le cancer de la vessie en tenue de camouflage

Publié le 21/10/2010
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Crédit photo : Yves Allory/ Inserm

DES FRANÇAIS montrent que la lactadhérine permet au cancer de la vessie d’échapper au système immunitaire. L’espoir est donc de pouvoir inactiver cette protéine protectrice.

Comme l’explique un communiqué, pour se développer, une tumeur doit « se fondre » dans le tissu environnant, y trouver de l’oxygène grâce à l’angiogenèse et tromper le système immunitaire en lui faisant croire qu’elle ne présente aucun danger. Mais, justement, pourquoi le système immunitaire n’intervient-il pas contre les cellules tumorales ? Des éléments de réponse à cette question constituent tout l’intérêt du travail mené à l’Institut Curie sur le cancer de la vessie par des chercheurs de l’INSERM et du CNRS en collaboration avec plusieurs hôpitaux d’Ile-de-France.

En s’intéressant à la présence de lactadhérine dans certaines tumeurs, les équipes de Clotilde Théry et de François Radvanyi ont en effet découvert que cette protéine peut aider les cancers de la vessie à passer inaperçus aux yeux du système immunitaire.

La lactadhérine surexprimée dans certaines tumeurs.

Il faut se rappeler que des techniques d’analyses de gènes ou des protéines à haut débit ont déjà permis de montrer que la lactadhérine est surexprimée dans certaines tumeurs. « Dans les tumeurs de la vessie, on a d’ailleurs constaté que plus la tumeur est agressive, plus la lactadhérine est présente en grande quantité », explique Clotilde Théry. Mais il fallait comprendre quel rôle joue cette protéine.

Il est apparu dans des modèles animaux que si, en présence de lactadhérine, les tumeurs de la vessie se développent plus vite et sont plus agressives, en revanche, ce phénomène n’est pas observé lorsque le système immunitaire est défaillant. Mais comment expliquer qu’une défaillance du système immunitaire soit associée à une moindre agressivité tumorale, ce qui semble paradoxal ? Chez les patients atteints de cancer de la vessie, les chercheurs ont découvert que la surexpression de la lactadhérine est associée à une forte présence, dans le site de la tumeur, d’une sous-population de lymphocytes T, les cellules Treg (Regulatory T cells). Or ces cellules permettent de freiner les réponses immunitaires pour éviter qu’elles s’emballent. La lactadhérine stimulerait leur production et freinerait ainsi la réponse du système immunitaire contre les cellules tumorales.

De plus la lactadhérine participe probablement également à l’interaction harmonieuse des cellules tumorales avec leurs voisines normales. Enfin, rappelons que la lactadhérine a un rôle connu dans l’angiogenèse.

La prochaine étape sera d’inhiber la lactadhérine pour voir si cela limite l’évolution des cancers de la vessie.

G. Sugano et coll. Oncogene 16 octobre 2010.

 Dr EMMANUEL DE VIEL

Source : Le Quotidien du Médecin: 8841