AU COURS de la grossesse, la femme peut fabriquer des anticorps contre les « antigènes paternels hérités » (IPA, Inherited Paternal Antigens) du fœtus, au nombre desquels il y a des molécules HLA d’origine paternelle et, peut-être même, des antigènes onco-fœtaux. Un point important est que cette immunité anti-IPA se maintient (par le biais de cellules T mémoire) plusieurs années après l’accouchement. C’est sans doute ce qui explique les résultats d’une étude (Stern et coll., 2008) ayant montré que les greffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) HLA-haplo-identiques se traduisent par un taux plus faible de récidives quand les CSH viennent de la mère, que lorsque les greffons sont d’origine paternelle.
Les auteurs ont voulu tester l’hypothèse d’une implication, dans cette action protectrice, d’un microchimérisme maternel (par passage des anticorps anti-IPA au travers du placenta) dans une étude rétrospective utilisant les données du New York Blood Center National Cord Blood Program. Ils ont comparé les résultats de greffes de sang de cordon « mismatched »* chez 1 094 patients en fonction de la présence d’IPA en commun (94 %) ou non (6 %) avec le sang de cordon. La majorité des patients (n = 845) étaient traités pour une leucémie aiguë lymphoblastique (ALL) ou myéloblastique (AML), et la plupart avaient reçu un conditionnement myéloablatif (ATG, inhibiteur des calcineurines).
L’immunité maternelle anti-IPA.
On observe, chez les malades ayant un ou plusieurs antigènes IPA en commun avec le greffon, une incidence plus élevée de maladie du greffon contre l’hôte (GVHD) de grade III-IV (de significativité limite, toutefois) et surtout un taux plus faible de récidives que chez ceux sans IPA communs. La réduction du nombre de récidives est plus marquée chez les sujets avec un seul HLA « mismatched », un groupe de patients où le taux de GVHD aigu, par ailleurs, n’est pas augmenté (ce qui suggère que l’effet greffon contre leucémie ne se fait pas toujours au prix d’un risque accru de GVHD). Il n’existe pas de relation, en revanche, entre le nombre d’IPA communs et le risque de récidive. Les auteurs réussissent à montrer, enfin, que l’effet de réduction des récidives peut être rattaché à l’immunité maternelle anti-IPA, et non au nombre de cellules maternelles à HLA « mismatched ».
Les résultats observés dans cette série de patients incitent à penser que la réduction du risque de récidives, après le traitement d’une ALL ou d’une AML par greffe de sang de cordon, est très vraisemblablement liée à un microchimérisme maternel (présence de cellules sensibilisées aux IPA fœtaux), plutôt qu’à une simple incompatibilité HLA entre la mère du donneur et le receveur du sang de cordon.
La découverte de cet effet IPA anti-leucémique a des implications importantes. Pour les auteurs, elle suggère qu’il est préférable d’éviter les unités de sang de cordon dépourvus d’antigènes IPA communs avec le receveur, en tout cas pour les patients traités pour leucémie aiguë lymphoblastique ou myéloblastique. Ils estiment ainsi qu’il serait utile de tenir compte, lors de la sélection des greffons de sang de cordon, des IPA communs, en plus des doses de cellules nucléées injectées et de la compatibilité HLA.
CE Stevens et coll. Indirect evidence that maternal microchimerism in cord blood mediates a graft-versus-leukemia effect in cord blood transplantation. Proc Ntl Acad Sci USA (2012) Publié en ligne.
* Mismatched : où il existe une différence entre donneur et receveur portant sur un ou plusieurs antigènes HLA.
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