En Afrique subsaharienne, sans intervention rapide, la mortalité liée aux cancers pourrait doubler d’ici à 2030 pour atteindre un million de décès par an, avec une incidence de 1,4 million de nouveaux cas de cancer chaque année. C'est l'alerte d'une commission au sein du « Lancet Oncology », qui appelle à améliorer l'accès aux soins contre le cancer, mais aussi la prévention du cancer et le diagnostic. Un plan de contrôle national est proposé pour chaque pays.
« Les tendances projetées soulignent les coûts dévastateurs de l'inaction sur les taux d'incidence du cancer et la mortalité par cancer en Afrique subsaharienne, souligne le président de cette commission, le Pr Wilfred Ngwa. Bien que la liste des obstacles qui entravent une lutte efficace contre le cancer dans la région soit longue, la poursuite de registres solides, de plans nationaux efficaces, d'un dépistage et d'une détection précoces et de l'intégration des soins palliatifs dans le parcours de soins est particulièrement critique ».
Les femmes plus touchées
Cette analyse, assortie de recommandations, est accompagnée d’une série d’articles et de commentaires, dont une étude du Centre international de recherche sur le cancer (Circ), menée notamment à partir de la base de données GloboCan pour l'année 2020. Selon ce travail, les femmes de la région sont plus touchées que les hommes, avec des prévalences respectives de 139 contre 119,4 pour 100 000.
Les cancers du sein (129 400 cas par an) et du col de l'utérus (110 300 cas par an), les plus fréquents dans la région, sont responsables de trois cancers sur dix. Et, une femme de la région a 14 % de risque de développer un cancer avant l’âge de 75 ans, les cancers du sein (4,1 %) et du col de l'utérus (3,5 %) étant responsables de la moitié de ce risque. En conséquence, si les femmes d’Afrique subsaharienne comptent pour 14 % de la population féminine mondiale, elles concentrent plus d’un tiers de tous les décès par cancer du col de l'utérus dans le monde.
Chez les hommes, le cancer de la prostate affiche l’incidence la plus élevée (77 300 cas par an) et est le premier cancer responsable de décès dans 26 pays de la zone. En termes d’incidence, il est suivi par le cancer du foie (24 700 cas/an) et le cancer colorectal (23 400 cas/an). Chez les enfants, la prévalence des cancers s’élève désormais à 56,3 cas par million et, selon les projections actuelles, la moitié des cas de cancers pédiatriques dans le monde se produiront en Afrique d’ici à 2050.
Des causes autant structurelles que socio-culturelles
Plusieurs facteurs sont en cause, et pour certains exacerbés par la pandémie. En plus des expositions environnementales, du vieillissement de la population et de l'adoption croissante de modes de vie occidentalisés (alimentation et sédentarité), la région est confrontée à des enjeux structurels liés aux problèmes d'infrastructure et aux pénuries de personnel et d'établissements qualifiés pour le diagnostic, le traitement et la prévention.
Des facteurs socioculturels sont également en jeu avec un faible niveau d'éducation et des croyances traditionnelles attribuant par exemple le cancer du col de l'utérus à des causes surnaturelles ou à une stratégie des hommes pour avoir plus d'une femme.
Concrètement, les programmes de prévention connaissent des taux de participation inférieurs à 50 % et, dans certains cas, à moins de 10 %. En parallèle, les facteurs de risque de cancer restent mal connus, tandis que l’obésité explose avec des hausses, au cours des trois dernières décennies, de 1 400 % au Burkina Faso et de plus de 500 % au Ghana, au Bénin, en Éthiopie et au Togo. La tendance est similaire pour le tabagisme, avec une augmentation attendue de 41 %, passant de 12,8 % en 2010 à 18,1 % en 2025.
Et pour le diagnostic et le traitement, l’Afrique subsaharienne présente la plus faible disponibilité au monde de structures, qui restent concentrées dans les zones urbaines. Selon une enquête menée en 2020 auprès de 34 centres, les structures sont sous-équipées : si toutes disposent de radiologie standard, de TDM et d'échographes, seules 67,6 % disposent d’IRM et 11,8 % de TEP scan.
Aussi, une seconde étude du CIRC relève les niveaux élevés d’abandon de traitement. Parmi les patientes atteintes d'un cancer du sein non métastatique nécessitant une chimiothérapie, le traitement n'a été entrepris dans les 3 mois que chez 66 % des patientes, et n'a été achevé de manière adéquate que chez 35 % d’entre elles.
Quelques succès locaux à diffuser
Pour freiner la croissance des cas de cancers, la commission du « Lancet » met en avant des exemples régionaux, et notamment la mise en œuvre par le Rwanda d’un programme national de vaccination contre le HPV, qui a permis au pays d’atteindre la couverture vaccinale contre le virus la plus élevée du monde.
Les recommandations portent également sur l’élaboration ou la mise à jour, dans chaque pays, de plans de lutte contre le cancer, incluant notamment la prévention, la gestion des comorbidités telles que le VIH et la malnutrition, un « approvisionnement fiable et prévisible » en médicaments et le développement de soins psychosociaux et de soins palliatifs. « Les plans devraient également impliquer les pratiques médicales traditionnelles, complémentaires et alternatives, employées par plus de 80 % des populations d'Afrique subsaharienne », est-il préconisé. La commission suggère enfin d’étendre la couverture maladie universelle et d’investir dans la télésanté.
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