Longtemps fer de lance de la cancérologie, la France serait-elle en train de perdre la bataille de la compétitivité internationale ? C’est la crainte sur laquelle alertent aujourd’hui des chercheurs et cliniciens des CLCC. Dans un courrier envoyé à Agnès Buzin, que le Quotidien s’est procuré*, ils dénoncent « les graves difficultés » qu’ils rencontrent « en termes de retards dans l’évaluation et donc dans l’autorisation et le démarrage effectif des essais cliniques en France » et ils en appellent « de manière pressante » à la concertation pour sortir d’une situation « qui pousse les promoteurs à conduire leurs essais hors de France ».
Lors de la table-ronde consacrée en décembre dernier aux innovations en cancérologie, L'Institut Gustave Roussy avait déjà fédéré les professionnels contre « les évolutions réglementaires récentes, les délais d’approbation des études trop longs, des financements publics contingentés qui menacent l’accès précoce des patients français à l’innovation. » « Des traitements existent, constate le Dr Aurélien Marabelle, directeur clinique du programme d’immunothérapie de Gustave Roussy. Ils ont prouvé une bien meilleure efficacité que les standards actuels et ont été approuvés par les autorités européennes et américaines, mais c’est au niveau français qu’il y a blocage. Les malades français n’y ont pas accès dans les cancers fréquents, face auxquels les cancérologues sont assez démunis. »
« Nous sommes victimes d’un système administrativement bloqué, explique le Dr Eric Angevin (DITEP, département d’innovation thérapeutique de Gustave Roussy), un système terriblement dépourvu de vision d’avenir et de schéma directeur à cinq ans, dans un monde où l’innovation bouleverse les protocoles thérapeutiques et où émergent de nouveaux acteurs internationaux. Des situations aberrantes surviennent : des patients peuvent être privés du traitement dont ils bénéficiaient par une ATU, parce qu’une AMM est accordée pour une indication autre que celle de l’ATU. »
Pratiquement, le SOS adressé par les chercheurs à la ministre de la Santé pointe deux services administratifs qui causent les graves difficultés qu’ils rencontrent : les CPP (comités de protection des personnes), d’une part, pas en mesure de rendre leurs avis dans les délais légaux, compte tenu des dysfonctionnements administratifs reconnus par la DGS (Direction Générale de la Santé) ; l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament), d’autre part, qui rencontre également « de grandes difficultés pour rendre des décisions d’autorisation dans les délais légaux ». Marisol Touraine avait promis en 2016 la création d’une cellule dédiée aux essais cliniques de phase 1, mais cet engagement s’est traduit par l’embauche d’un seul agent. Résultat, explique le Dr Angevin : « l’Agence traite au fil de l’eau une flopée de dossiers qui la mobilise sur des génériques, si bien que les autorisations d’essais nous arrivent lorsque les industriels ont décidé d’aller voir ailleurs. »
Le DG de Gustave Roussy, Alexander Eggermont, et le directeur de la R&D Unicancer, Christian Caillot demandent instamment « de nouvelles dispositions réglementaires pour accélérer le démarrage des essais cliniques ». "Il faut trouver un équilibre entre le juste prix de l'innovation lorsqu'elle est réelle et la capacité de la rendre accessible à tous et ainsi donner la possibilité à tous nos patients d’avoir une chance supplémentaire de guérir d’un cancer," souligne de son côté, le Pr Patrice Viens, président d’UNICANCER,qui réclame l’élaboration en 2018 d’un nouveau Plan cancer.
*Lettre du 12 octobre signée par le Dr Christophe Massard, responsable du comité essais précoces de Gustave Roussy, ainsi que par les présidents de France Biotech et de l’Afcro (entreprises de la recherche clinique).
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