On estime que 30 % des cancers du pancréas sont localement avancés, c’est-à-dire inopérables d’emblée mais non métastatiques. Une résection secondaire pourrait néanmoins devenir possible, dans les cas favorables, après une chimiothérapie dite « d’induction » dont le meilleur protocole reste à définir. L’étude NEOLAP est la première à comparer deux traitements d’induction et à en évaluer les bénéfices sur des critères histologiques.
Chimiothérapie d’induction : une survie améliorée après résection secondaire
Dans NEOLAP, essai de phase II présenté à l’ESMO 2019 (1), 130 patients avec un cancer localement avancé ont été randomisés après 2 cycles de chimiothérapie nab-paclitaxel/gemcitabine (NabP-Gem), pour recevoir soit 2 cycles supplémentaires de NabP-Gem, soit 4 cycles de mFOLFIRINOX (5FU, irinotécan, oxaliplatine). Les taux de contrôle de la maladie étaient, respectivement, de 75 % vs 82,3 % à la fin du traitement (p = 0,38). La survie globale n’était pas statistiquement différente (17,2 mois vs 22,5 mois, p = 0,268). Les effets secondaires étaient acceptables : un peu plus d’asthénie et de neuropathies avec mFOLFIRINOX, de fièvre et de neutropénie avec NabP-Gem.
À la fin de la chimiothérapie, une laparotomie exploratrice a pu être proposée chez plus de deux tiers des patients dont la maladie était contrôlée. La résection de la tumeur (objectif principal) était alors possible chez 30 % des patients du bras NabP-Gem et 45 % de ceux du groupe mFOLFIRINOX (HR = 1,54, NS). Le taux de résection microscopiquement complète (R0) était relativement élevé, 68 % après NabP-Gem et 74 % après mFOLFIRINOX, et une réponse histologique complète était obtenue dans, respectivement, 15 % et 10 % des cas. La survie globale, bien que plus élevée avec le mFOLFIRINOX, n’était pas statistiquement différente dans les deux groupes (22,5 mois vs 17,2 mois). « La conclusion majeure de cette étude de phase II, explique le Pr Pascal Hammel, c’est qu’une chimiothérapie d’induction efficace permettait de retourner vers la chirurgie chez un tiers de patients qui avaient une tumeur d’emblée inopérable, avec une survie globale appréciable (24,4 mois vs 14,2 mois chez ceux qui ne sont pas opérés, p = 0,0035) ».
mFOLFIRINOX, la référence en traitement adjuvant
L’étude PRODIGE 24 (2) avait été un des points forts de l’ASCO 2018 en montrant la supériorité du mFOLFIRINOX sur la gemcitabine en traitement adjuvant des cancers du pancréas opérés, avec une survie sans récidive de 21,6 mois vs 12,8 mois. L’étude de phase III APACT, présentée à l’ESMO comparait dans le même contexte la gemcitabine à l’association NabP-Gem (866 patients). Elle s’est révélée négative pour l’objectif principal, la survie sans récidive (19,4 vs 18,8 mois, NS), alors que la survie globale était plus longue avec NabP-Gem (40,5 vs 36,2 mois, p = 0,045). Le mFOLFIRINOX reste donc le traitement adjuvant de référence, mais une chimiothérapie à base de gemcitabine peut être discutée pour les patients n’étant pas en état de recevoir le mFOLFIRINOX en postopératoire.
Un premier pas vers les thérapies ciblées
L’étude de phase III POLO (3) a montré à l'ASCO 2019 que l’olaparib, un inhibiteur de PARP, doublait presque la survie sans progression des patients avec cancer du pancréas métastatique, en cas de mutation germinale d’un gène BRCA. Tout d’abord, un screening mené sur 3 315 patients atteints de cancer métastatique tout-venant dans 10 pays a identifié que 247 d’entre eux avaient une mutation germinale BRCA (7,5 %). Un traitement d’induction par chimiothérapie à base de sels de platine, auxquels ces tumeurs sont très sensibles, a été administré. Lorsque la tumeur était contrôlée (stable ou en diminution) après au moins 4 mois de celui-ci, ils étaient randomisés pour recevoir soit l’olaparib, soit un placebo (ratio 3 : 2) en maintenance. « Le bénéfice était très significatif sur la survie sans progression qui a pratiquement doublé (7,4 vs 3,8 mois, HR = 0,53), avec une bonne tolérance puisque la qualité de vie n’était pas altérée par l’olaparib », se félicite le Pr Hammel. La survie globale était de 18 mois environ dans les deux troupes, un résultat remarquable pour des cancers métastatiques du pancréas. L’absence de différence sur la survie globale s’expliquerait vraisemblablement par le fait que les résultats n’étaient pas matures et que les patients, dont la tumeur a progressé sous placebo, ont reçu une chimiothérapie efficace, voire de l’olaparib pour 15 % d’entre eux (non autorisé dans le protocole). De plus, elle ne reflète pas la durée médiane du contrôle tumoral obtenu chez les patients sous olaparib (24,9 mois vs 3,7 mois). D’autres inhibiteurs de PARP sont actuellement testés en phase I ou II. Le défi maintenant sera de repérer ce sous-groupe de patient en organisant en France la recherche des mutations BRCA dans un délai rapide, avec la question de son remboursement ainsi que celui de l’olaparib.
D'après un entretien avec le Pr Pascal Hammel
(1) Kunzmann V et al. Ann Onco 2019;30 (suppl_5): v253-v324.
(2) Conroy T et al. N Engl J Med 2018;379:2395-2406.
(3) Golan T et al. N Engl J Med 2019;377:523–33.
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