Les ophtalmologues peuvent diagnostiquer et prendre en charge deux grands types de localisations : extraoculaires, orbitaires ou palpébrales, et intraoculaires.
Souvent des métastases d’autres cancers
Les lésions intraoculaires malignes, souvent situées dans la choroïde, sont particulièrement préoccupantes. Et pour cause : « les plus courantes sont des métastases liées à un autre cancer », rapporte la Dr Géraldine Chotard, ophtalmologue à l’Oncopôle de l’Hôpital des 15-20.
Les cancers du sein ou du poumon, en particulier, sont connus pour donner, à un stade avancé, des masses choroïdiennes, à partir desquelles la maladie est parfois diagnostiquée. « Sinon, elles peuvent survenir sur des patients en fin de vie, en mauvais état général, qui n’arrivent pas jusqu’à nous », expose la Dr Chotard. D’où d’ailleurs un sous-diagnostic probablement important.
Redoutés mélanomes choroïdiens
Mais le cancer intraoculaire qui fait le plus parler de lui demeure sans doute le mélanome choroïdien. Il est sans lien avec le mélanome cutané, bien qu’il touche lui aussi particulièrement les personnes aux iris clairs, avec comme principal facteur de risque l’exposition au soleil. Le diagnostic de cette maladie rare (800 cas par an en France) et le plus souvent asymptomatique reste difficile à poser. « On peut évoquer un mélanome choroïdien face à la présence de certains critères observables à l’imagerie (fond d’œil, OCT, échographie, angiographie, etc.), mais on ne peut pas faire de prélèvement, au risque de favoriser la dissémination tumorale et d’altérer l’acuité visuelle », explique la Dr Chotard.
Le traitement peut apparaître particulièrement invalidant puisque, dans 20 % des cas, seule une chirurgie d’énucléation s’avère possible. C’est notamment le cas des « grosses lésions, qui occupent parfois toute la cavité oculaire », rappelle la Dr Chotard. Cette prise en charge n’empêche pas le développement de métastases, qui atteignent la moitié des personnes traitées pour un mélanome choroïdien à 5 ans.
Dépistage et orientation facilités
Toutefois, des progrès sont enregistrés, d’abord dans la détection de ces cancers. « On a l’impression qu’on découvre fortuitement davantage de lésions, plus petites qu’auparavant, sans doute car les ophtalmologues de ville sont désormais équipés de rétinographies grand champ, qui permettent de dépister des tumeurs qui seraient jadis passées à la trappe », explique la Dr Chotard.
De plus, pour faciliter le diagnostic et l’orientation rapides vers la prise en charge la plus adaptée, des filières se sont organisées. Ainsi, l’hôpital des 15-20 reçoit en urgence les patients adressés par leur ophtalmologue. « On fait tous les examens dans la matinée, pour fournir le diagnostic le plus précis et rapide possible : on doit pouvoir dire s’il s’agit d’un hématome, d’un hémangiome, d’un granulome inflammatoire, etc., ou d’un mélanome choroïdien », avance la Dr Chotard. Et l’Institut Curie organise des réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP) hebdomadaires, centrées sur la prise en charge du mélanome choroïdien. « C’est important de pouvoir discuter notamment des nombreux cas où la décision thérapeutique à prendre n’est pas si claire, en l’absence de biopsie et d’anatomopathologie », insiste-t-elle.
Des progrès portés par la protonthérapie
L’enjeu est de maximiser la proportion de patients éligibles à la protonthérapie (avec un objectif d’atteindre 80 %), alternative à l’énucléation en cas de lésion de taille suffisamment réduite. Deux machines sont aujourd’hui disponibles en France, l’une à Orsay, et l’autre à Nice, et permettent un traitement relativement rapide.
Ce type de prise en charge a fait ses preuves, atteignant avec 98 % de succès. Seul bémol : les risques associés ne sont pas négligeables et réduisent les indications. « L’œil ne tolère la brûlure que jusqu’à un certain seuil, au-delà duquel il risque la phtyse », explique la Dr Chotard. Si bien que, face à un gros mélanome, ou chez un patient âgé présentant déjà une mauvaise vision, une énucléation peut rester préférable.
Aussi au stade métastatique
En outre, la prise en charge des métastases — hépatiques dans 95 % des cas — tend aussi à progresser. « La chimiothérapie conventionnelle ne fonctionne pas très bien, mais l’immunothérapie par tebentafusp donne de bons résultats, en présence de certains marqueurs HLA », indique la Dr Chotard. Une immunothérapie adjuvante est aussi indiquée en cas mélanome de taille importante.
À noter, concernant les métastases oculaires provoquées par d’autres cancers, que des progrès ont aussi été réalisés. « Dans le cancer du poumon, l’immunothérapie fonctionne bien, et permet de faire disparaître les métastases en un à deux mois », encourage la Dr Chotard. Et, en cas d’échec des traitements généraux, une radiothérapie externe voire une protonthérapie peuvent être indiquées.
Un suivi codifié
Quoi qu’il en soit, un suivi à vie reste nécessaire, à commencer pour dépister d’éventuelles métastases. « Un suivi hépatique est indiqué toute la vie, et les poumons doivent aussi être surveillés, surtout pendant les cinq premières années suivant le traitement : on considère qu’après cinq ans, le risque de trouver des métastases se réduit, mais il faut continuer la surveillance », résume la Dr Chotard.
Un suivi ophtalmologique est aussi recommandé afin de prendre en charge les éventuelles complications de la protonthérapie, et de maintenir la fonction de l’œil. « Le suivi doit être réalisé par un ophtalmologue qui connaît la maladie », notamment auprès des relais des grands centres spécialisés, souligne la Dr Chotard. Cette surveillance est à réaliser « tous les trois mois pendant deux ans, puis tous les six mois pendant trois ans, puis tous les ans toute la vie. »
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