En première ligne métastatique, deux études ont marqué cette année le congrès par leurs résultats significatifs, le type de cancer étudié ou la stratégie thérapeutique évaluée. L’immunothérapie fait également son entrée au stade adjuvant de la maladie, dans les mélanomes et les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC).
Des données majeures en 1ère ligne du cancer du rein et du mélanome
« Le Dr Bernard Escudier (Institut Gustave Roussy, Villejuif) a présenté en 1ère ligne métastatique du cancer du rein, les résultats de la combinaison nivolumab et ipilimumab (anti-PDL1 et anti-CTLA4). Depuis 20 ans, le traitement de référence était le sunitinib (inhibiteur de tyrosine kinase anti-angiogénique) ». Chez les patients de pronostic intermédiaire ou mauvais, qui représentaient les trois quarts des plus de 1000 patients inclus, l’étude a montré la supériorité de l’association d’immunothérapie par rapport au sunitinib en termes de réponses objectives (RO : 42 % versus 27 % ; p < 0,0001), de survie sans progression (SSP : 11, 6 mois vs 8,4 mois, p = 0,0331) et de survie globale (SG : médiane non atteinte dans le bras immunothérapie versus 26 mois sous sunitinib, p < 0,0001). « C’est un résultat important car l’immunothérapie (nivolumab/ipilimumab) devient ainsi la référence en 1ère ligne des cancers du rein et le sunitinib passe en seconde ligne », explique le Dr Aurélien Marabelle (directeur clinique du programme d’immunothérapie à l’Institut Gustave Roussy, Villejuif) [1].
En 1ère ligne métastatique du mélanome, une actualisation d’une étude présentée par la Pr Caroline Robert (2) a montré, chez plus de 900 patients, que la combinaison nivolumab/ipilimumab n’est pas supérieure au nivolumab en monothérapie, en termes de SG à 3 ans. Cependant, le taux de RO étant plus élevé avec la combinaison (58 % avec nivolumab/ipilimumab versus 44 % sous nivolumab seul), il est peut-être trop tôt pour conclure sur la SG. « Pour l’instant, on n’observe que la survie des patients en progression mais pas celle des répondeurs. Tant que la courbe de survie n’aura pas atteint le niveau des RO (60 %), c’est trop tôt. De plus, une proportion significative des patients en progression sous nivolumab va recevoir l’ipilimumab en seconde ligne. Ceci aura peut-être un impact si certains patients sont ainsi rattrapés. Nous verrons d’ici 1 an si la combinaison présente un intérêt ou si l’administration séquentielle de ces deux molécules donne les mêmes résultats que celle-ci. L’autorisation de mise sur le marché (AMM) de cette association dans cette indication devrait arriver prochainement », commente le Dr Marabelle.
Des avancées au stade adjuvant
Dans le mélanome, le Pr Jeffrey Weber a également présenté des données essentielles au stade adjuvant. Dans l’étude CheckMate 238 comparant le nivolumab à l’ipilimumab (chez 908 patients), les résultats ont mis en évidence, après 18 mois de suivi, un bénéfice net du nivolumab par rapport à l’ipilimumab en termes de survie sans récidive (SSR : 66 % versus 53 %, p < 0,0001). « Maintenant, les patients opérés d’un mélanome localisé vont recevoir du nivolumab en adjuvant après leur chirurgie », conclut le Dr Marabelle (3).
« Dans les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC) de stade III (localement avancés inopérables), où le standard repose sur des combinaisons radio-chimiothérapie, aucun progrès n’avait été fait depuis plus de 20 ans ». Dans l’étude PACIFIC (4), le durvalumab administré pendant 1 an chez 476 patients en adjuvant, après la chimioradiothérapie, démontre un net bénéfice versus placebo (n=237) en termes de SSP (16,8 mois versus 5,6 mois, p < 0,0001). « Nous n’avons pas les résultats de la SG mais ils devraient être positifs au regard du bénéfice constaté en SSP. Si on s’attend à une AMM très rapide aux États-Unis, elle n’arrivera probablement pas avant un an en Europe et deux ans en France. On espère que des autorisations temporaires d’utilisation (ATU) soient mises en place », ajoute le Dr Marabelle en soulevant ainsi la problématique majeure en France de l’accès aux thérapies innovantes.
Vers un changement de stratégie thérapeutique…
Si ces derniers résultats font évoluer la stratégie thérapeutique en intégrant l’immunothérapie dans la prise en charge de plusieurs cancers à différents stades de la maladie, la sélection des patients susceptibles de répondre reste un enjeu essentiel. « On veut à tout prix avoir un biomarqueur prédictif de la réponse, comme avec les thérapies ciblées. Or, il faut peut-être changer notre façon de voir les choses et s’orienter vers une stratégie préemptive plutôt que prédictive. Au lieu de faire la biopsie avant le début du traitement par immunothérapie, on pourrait la faire juste après et regarder l’évolution tumorale : si la tumeur répond (présence d’infiltrat immunitaire ou d’une inflammation) ou si les cellules tumorales continuent à se diviser. Ainsi, on arrivera peut-être à mieux stratifier les malades, à arrêter l’immunothérapie pour ceux qui n’en bénéficient pas et à continuer pour ceux qui répondent », confie le Dr Marabelle.
D’après l’interview du Dr Aurélien Marabelle (directeur clinique du programme d’immunothérapie à l’Institut Gustave Roussy, Villejuif) lors du congrès de l’ESMO
(1) Escudier B. et al. CheckMate 214: Efficacy and Safety of Nivolumab Plus Ipilimumab vs Sunitinib for Treatment-Naïve Advanced or Metastatic Renal Cell Carcinoma, Including IMDC Risk and PD-L1 Expression Subgroups. Présentation orale ESMO 2017 (Abstr LBA5)
(2) Robert C. et al. Characterization of complete responses in patients with advanced melanoma who received the combination of nivolumab and ipilimumab, nivolumab or IPI alone. Présentation orale ESMO 2017 (Abstr 1213O)
(3) Weber J et al. Adjuvant Therapy With Nivolumab Versus Ipilimumab After Complete Resection of Stage III/IV Melanoma: A Randomized, Double-blind, Phase 3 Trial (CheckMate 238). Présentation orale ESMO 2017 (Abstr LBA8)
(4) Paz-Ares L et al. PACIFIC: A double-blind, placebo-controlled phase III study of durvalumab after chemoradiation therapy (CRT) in patients with stage III, locally advanced, unresectable NSCLC. Présentation orale ESMO 2017 (Abstr LBA1)
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