Quel est l'impact de la pollution de l'air sur le cancer ? Deux études, l'une dans le cancer du poumon, l'autre dans le cancer du sein, apportent de nouveaux éléments attestant de son effet cancérogène.
La première est une étude britannique qui a fait grand bruit lors du congrès de la Société européenne d’oncologie médicale (Esmo), en montrant que la pollution de l'air est un facteur de risque de cancers bronchiques non à petites cellules (1), en particulier chez les non-fumeurs qui présentent fréquemment des mutations du gène de l’EGFR.
« Les mutations EGFR et Kras, communément retrouvées dans les cancers bronchiques, sont observées dans plus de la moitié des biopsies de tissus pulmonaires sains. Elles sont une conséquence naturelle de l’âge », avait commenté le Pr Charles Swanton (Institut Francis Crick, Londres), auteur de l’étude. Néanmoins, elles ne suffisent pas pour entraîner à elles seules un cancer.
À l'aide de modèles de souris, les chercheurs ont découvert que la pollution déclenchait une inflammation, via la sécrétion de l’interleukine-1β (IL-1β), au niveau des cellules des voies respiratoires ayant des mutations préexistantes de l’EGFR ou de Kras, les faisant évoluer vers un état de cellules cancéreuses. L'étude confirme aussi que le blocage de l’IL-1β est susceptible d’inhiber le développement du cancer bronchique.
Environ 9 % de cas évitables
Dans le cancer du sein, Xenair est un vaste projet coordonné par le département Prévention Cancer Environnement du centre Léon-Bérard de Lyon (unité Inserm)* qui cherche à mieux caractériser le lien entre exposition chronique à faible dose aux polluants de l'air et cancer du sein. Sur huit polluants étudiés - benzo[a]pyrène (BaP), cadmium, dioxines, polychlorobiphényles (PCB), particules PM10 et PM2,5, dioxyde d’azote (NO2) et ozone (O3), cinq sont associés à un risque accru.
Le projet s'appuie sur la cohorte nationale E3N qui suit depuis 30 ans 100 000 femmes affiliées à la MGEN, âgées de 40 à 65 ans à l'inclusion en 1990. Deux groupes de femmes en ont été extraits : 5 222 femmes ayant eu un cancer du sein entre 1990 et 2011 et 5 222 femmes indemnes, appariées sur l'âge ainsi que sur le département de résidence et le statut ménopausique à l'inclusion.
Les chercheurs ont estimé le niveau d'exposition annuel moyen pour chaque femme de 1990 jusqu'à la date de diagnostic du cancer. Une association significative a été retrouvée entre risque de cancer du sein et cinq polluants : le NO2, les particules fines PM10 et PM2,5, le BaP et les PCB153. Par exemple, une augmentation de 10 µg/m3 d’exposition au NO2 est associée à une hausse statistiquement significative d’environ 9 % du risque de cancer du sein. Pour le cadmium et les dioxines, aucune association n'a été retrouvée. L'analyse est en cours pour l'ozone.
Il ressort également que les femmes sont plus sensibles aux expositions environnementales au cours de la période de transition ménopausique. Les chercheurs ont par ailleurs calculé qu'avec une exposition annuelle au NO2 inférieure à 10 µg/m3 - seuil fixé par l'Organisation mondiale de la santé en 2021, 9 % des cas auraient pu être évités.
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(1) C. Swanton et al. Esmo 2022, abstract LBA 1
(2) En collaboration avec l'équipe Exposome et hérédité de Gustave Roussy/Inserm, l'Isped de l'université de Bordeaux, l'Ineris, l'École centrale de Lyon et l'université de Leicester. Financé par la Fondation ARC.
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