Est-il envisageable d’espacer les mammographies après un cancer du sein chez les femmes de plus de 50 ans ? C’est ce qu’a cherché à savoir l’essai de phase 3 britannique Mammo50 en comparant une surveillance annuelle standard versus une imagerie moins fréquente après trois ans sans récidive avec mammographie annuelle. Ainsi à huit ans post-diagnostic, la survie à cinq ans spécifique au cancer du sein avec une stratégie allégée (98,3 %) était non-inférieure à celle avec une stratégie avec mammographie annuelle (98,1 %).
Selon les auteurs de cette étude publiée dans The Lancet (1), « pour les patientes âgées de 50 ans ou plus, les mammographies moins fréquentes après trois examens annuels devraient être envisagées ». Pour le Pr Luc Ceugnart, radiologue au centre de cancérologie Oscar Lambret (Lille) et président de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, ces résultats « très intéressants » alimentent les réflexions en cours en France. « C’est un sujet sur lequel les spécialistes se penchent et qu’ils souhaitent faire remonter auprès des sociétés savantes », rapporte-t-il.
En Europe et aux États-Unis, la tendance est à la mammographie annuelle pour une période indéterminée, tandis que le Royaume-Uni préconise cinq mammographies annuelles puis une mammographie tous les trois ans. En France, les recommandations de l’Institut national du cancer (Inca), datant de 2016, indiquent une mammographie annuelle à vie après une période de surveillance rapprochée.
Les auteurs relèvent ainsi une « littérature incertaine » sur le rythme de la surveillance mammographique et soulignent « les effets néfastes d’un dépistage fréquent », dont l’anxiété, les faux positifs et le surdiagnostic. Sans compter les enjeux économiques pour le système de santé britannique et les patientes.
« En France, ce sont aujourd’hui près de 900 000 femmes qui sont surveillées après un cancer du sein, cela représente un volume de mammographies à réaliser conséquent avec, de surcroît les difficultés du terrain comme l’adhésion à ces examens et l’accès aux soins, commente le Pr Ceugnart. Il est certain qu’espacer les mammographies pourrait libérer la pression ».
Deux tiers des récidives détectées dans l’intervalle
Les 5 235 patientes incluses dans l’essai Mammo50 ont été randomisées pour suivre un rythme de surveillance annuel (n = 2 618) ou allégé (n = 2 617). Les participantes étaient atteintes de cancers du sein invasifs (87,4 %) et non invasifs traités par chirurgie (conservatrice pour 80,3 %) et/ou par thérapies anticancéreuses (28,1 % de chimiothérapie et/ou biothérapies et 83,6 % de radiothérapie). Les patientes du groupe mammographie espacée le faisaient tous les deux ans pour celles ayant eu une chirurgie conservatrice et tous les trois ans pour celles ayant eu une mastectomie totale.
Nous pourrions réintégrer les femmes dans le dépistage organisé
Pr Luc Ceugnart, radiologue au centre de cancérologie Oscar Lambret (Lille)
Au terme d’un suivi médian de 5,7 ans, 343 femmes sont décédées, dont 116 d'un cancer du sein (61 dans le groupe mammographie annuelle et 55 dans le groupe mammographie moins fréquente). La survie à cinq ans spécifique au cancer du sein était de 98,1 % dans le groupe mammographie annuelle et de 98,3 % dans le groupe mammographie moins fréquente (HR = 0,92) et la survie globale à cinq ans était de 94,7 % et 94,5 % respectivement (HR = 1,07).
Parmi les femmes ayant eu une récidive (n = 345; 175 cas dans le groupe mammographie annuelle, 170 dans le groupe mammographie espacée), 64,9 % ont été détectées après une admission aux urgences ou après adressage vers le système hospitalier à la suite de symptômes. « Il est intéressant de constater qu’en majorité le diagnostic des récidives a été déclenché par la symptomatologie et non à la suite d’une mammographie », fait remarquer le Pr Ceugnart.
Les difficultés de l’adhésion
Enfin, les auteurs relèvent une adhésion plus faible dans le groupe mammographie espacée avec 69,4 % d’adhésion contre 82,8 % dans le groupe mammographie annuelle. Un résultat peu surprenant selon le Pr Luc Ceugnart : « en France, le suivi annuel ne suscite pas un haut taux d’adhésion et il a tendance à s’étioler au fil des années. Cela s’observe aussi pour des examens moins rapprochés, mais il semble tout de même que des examens annuels sont plus aisés à garder en tête ».
Malgré cela, pour le sénologue, ces résultats montrent qu’un espacement des mammographies pourrait être envisageable. « Nous devons réfléchir aux modalités, mais je pense qu’après une période de cinq ans de suivi rapproché, il pourrait être intéressant de réaliser la mammographie de surveillance tous les deux ans par exemple. Nous pourrions même imaginer nous appuyer sur les compétences des centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC) et, pourquoi pas, réintégrer les femmes dans le programme de dépistage organisé du cancer du sein », envisage-t-il.
(1) J. Dunn et al., The Lancet, 2025, vol 405, n° 10476, p396-407
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