Comment améliorer la prise en charge des patientes ayant un cancer du sein triple négatif identifié comme étant de plus mauvais pronostic ? Une étude internationale, à laquelle a participé Gustave-Roussy, suggère que l’évaluation des lymphocytes infiltrant la tumeur (dits TILs pour tumor-infiltrating lymphocytes) pourrait aider à mieux calibrer les traitements dans ces cancers traités de manière agressive. Dans cette cohorte rétrospective totalisant 1966 patientes opérées pour un cancer du sein triple négatif à un stade précoce, l’abondance des TILs est associée à un risque moindre de rechute et à un taux plus élevé de survie, même sans chimiothérapie.
Pour ce travail publié dans le Jama, Gustave-Roussy (Villejuif) s’est associé à la Mayo Clinic (Rochester, États-Unis) en collaboration avec l’International Biomarker Working Group et 11 partenaires. Les participantes ont été suivies pendant 18 ans en médiane.
« Avec près de 2000 participantes incluses dans l’étude, nous avons rassemblé la plus importante cohorte internationale sur trois continents de personnes atteintes d’un cancer du sein triple négatif dont le traitement de base était la chirurgie sans chimiothérapie », se félicite le dernier auteur Stefan Michiels (Gustave-Roussy/Inserm U1018 CESP/Université Paris Saclay) dans un communiqué de Gustave-Roussy.
Cette méta-analyse confirme la valeur pronostique des TILs
Sarah Flora Jonas, stasticienne à Gustave-Roussy
Des constations datant d’un siècle
Les TILs peuvent être mesurés en routine lors de l’analyse anatomopathologique au microscope des tissus d’un cancer du sein. « Les premières constatations suggérant qu’une forte présence de cellules immunitaires chez les personnes touchées par un cancer du sein est associée à un meilleur pronostic remontent à plus d’un siècle et ont été faites par des médecins de la Mayo Clinic, souligne le Dr Roberto Leon-Ferre, oncologue médical à la Mayo Clinic. Il a fallu une initiative internationale et un siècle pour réexaminer ce biomarqueur et lui trouver une utilisation dans les soins aux patients ».
« Cette méta-analyse confirme la valeur pronostique des TILs, que nous avons précédemment rapportée chez les patientes traitées par chimiothérapie pour un cancer du sein triple négatif », commente Sarah-Flora Jonas, statisticienne à Gustave-Roussy et première co-autrice de l’étude. « Il s’agit d’une découverte importante », ajoute le Dr Roberto Leon-Ferre.
Les cancers du sein triple négatif ne répondent pas à l’hormonothérapie ni aux traitements ciblant la protéine HER2. Cette forme de cancer, qui progresse plus rapidement, est plus à même de métastaser et a un risque plus élevé de rechute, elle représente 15 % de l’ensemble des cancers du sein et touche plus souvent les femmes jeunes.
Une chimiothérapie est prescrite en association à la chirurgie à la grande majorité des patientes ayant un cancer du sein triple négatif, même au stade précoce. Les principaux facteurs pris en compte pour déterminer la place d’une chimiothérapie sont la taille de la tumeur et la présence de métastases ganglionnaires. Le nombre de TILs est identifié comme un facteur supplémentaire influant sur le risque de récidive future.
Inclure les TILs dans le rapport de pathologie permettrait d’informer les cliniciens et les patientes sur les options de traitement
Dr Roberto Salgado, pathologiste et chercheur (Anvers)
Une survie globale à cinq ans de 95 %
Dans cette étude, les femmes étaient âgées en médiane de 56 ans et 41 % avaient moins de 50 ans. La plupart des tumeurs étaient T1 (60 %) ou T2 (36 %), sans ganglion atteint (87 %) et de stade I TNBC (55 %). Parmi les patientes au stade I TNBS, 65 % présentaient une tumeur T1cN0. Un peu plus de 60 % ont eu une tumorectomie avec radiothérapie. Le taux médian de TILs était de 15 %. Environ une femme sur cinq (21 %) avait un niveau de TILs d’au moins 50 % et deux tiers (66 %) un niveau de TILs de moins de 30 %.
La survie sans récidive pour le stade I TNBC était de 94 % en cas de niveau de TILs ≥ 50 %, quand il était de 78 % en cas de niveau de TILs < 30 %. La survie globale à cinq ans était respectivement de 95 % et de 82 %. Après ajustement, au terme des 18 ans de suivi, pour chaque palier de 10 % supplémentaires du niveau de TILs améliorait la survie sans maladie invasive.
« Les résultats de cette étude pourraient mener à une recommandation : inclure les TILs dans le rapport de pathologie des cancers du sein triple négatif localisé puisque cela permettrait d’informer les cliniciens et les patientes sur les options de traitement », estime le Dr Roberto Salgado, co-président de l'International Immuno-Oncology Biomarker Working Group et co-responsable de l'étude. Les chercheurs prévoient d’évaluer les TILs en tant que biomarqueurs d’aide à la décision d’une chimiothérapie chez ce type de patientes dans le cadre d’essais cliniques prospectifs, tels que l’essai Etna financé par la Fondation Gustave-Roussy.
R. Leon-Ferre et al., Jama, avril 2024; 331(13):1135-1144.
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