Santé publique France vient de dédier un numéro du Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) au cancer de la prostate en France. Il ressort que, dans un contexte de fortes controverses, le dépistage reste élevé, malgré l'avis défavorable de la Haute Autorité de santé (comme les autorités sanitaires ailleurs dans le monde).
Entre 2013 et 2015, 48 % des hommes de 40 ans et plus ont eu au moins un dosage de PSA, et ils étaient plus de 90 % entre 65 et 79 ans, révèle une étude du BEH coordonnée par le Dr Philippe Tuppin, de la CNAM. Le plus étonnant est qu'une forte proportion des hommes de plus de 75 ans continuent d'avoir des PSA.
Des prescriptions, même après 75 ans
La controverse autour du dépistage est forte en France. L'Assurance-Maladie s'alarme depuis 2012 d'une prescription « massive » des PSA par les médecins généralistes, souvent dans le cadre « d'un bilan de santé ». De leurs côtés, les urologues défendent depuis 2013 un dépistage individuel, notamment chez les sujets à risque élevé. Depuis 2016, le secrétaire général de l'Association française d'urologie (AFU), le Pr Thierry Lebret, va plus loin et réaffirme avec force l'intérêt d'un dépistage par les PSA.
Selon une étude du BEH, si la pratique généralisée des PSA s'est traduite en France par une amélioration de la survie à partir de 1980, ce phénomène est dû « en très grande partie à l'évolution du profil des cas diagnostiqués », « moins agressifs ».
Or, les risques de surdiagnostic et de surtraitement sont au cœur des enjeux. C'est sans doute la raison de l'amorce d'un infléchissement du dépistage observé depuis 2009. Ainsi la proportion d'hommes de 40 ans et plus sans cancer de la prostate et ayant eu au moins un dosage de PSA dans l'année est passée d'environ 30 % en 2009 à 26,6 % en 2014.
De nouveaux critères pour éclairer la décision
Ce numéro du BEH met en lumière de nouvelles données qui peuvent influer dans la décision de faire un dépistage individuel ou ciblé : surveillance active et intérêt de l'IRM avant biopsie, mais aussi la qualité de vie à 10 ans de traitement ou encore l'identification de facteurs de risque (antécédents d'infections génito-urinaires, origine antillaise).
Pour guider le patient, l'étude QALIPRO renseigne pour la première fois sur la qualité de vie à 10 ans du traitement. Il apparaît que les patients traités pour un cancer de la prostate ont davantage de dysfonctionnements urinaires (incontinence) et sexuels, mais il est intéressant de constater que la qualité de vie globale est comparable aux sujets témoins du même âge. L'étude EPICAP montre une relation de cause à effet entre le risque de cancer de la prostate et les infections génito-urinaires, en particulier prostatite chronique et pyélonéphrite aiguë.
La situation aux Antilles
Le dépistage ciblé est un sujet très sensible aux Antilles, où l'incidence et la mortalité sont plus élevées qu'en métropole, rappelle une revue de la littérature à ce sujet. Le BEH en rappelle les raisons, l'origine africaine et la pollution environnementale majeure à la chlordécone, un insecticide très toxique utilisé dans les bananeraies jusqu'en 1993. Pour les auteurs, ce surrisque qui suscite « inquiétude et interrogations » mérite « des réponses adaptées aux spécificités de la population ».
En septembre 2016, l'étude ProtecT, publiée dans le « New England Journal of Medicine », a comparé pour la première fois l'efficacité des trois traitements du cancer de la prostate (surveillance, chirurgie, radiothérapie). Il apparaît que la mortalité spécifique à 10 ans reste faible quel que soit le traitement, avec néanmoins avec un risque majoré de métastases pour la surveillance.
La décision du dépistage et de l'option thérapeutique doit faire plus que jamais l'objet d'une discussion avec le médecin pour « un choix éclairé » en « toute connaissance de cause », comme l'INCa le souligne se référant aux objectifs du plan Cancer 2014-2019.
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