Déjà disponible en accès précoce depuis novembre 2022 dans le cancer du sein métastatique HER2 faible, l'anticorps conjugué trastuzumab déruxtécan (T-DXd, Enhertu) a obtenu une autorisation de mise sur le marché européenne (AMM) le 23 janvier dans cette indication. Cette autorisation s'appuie sur l'essai de phase 3 Destiny-Breast04, dont les résultats avaient été ovationnés lors du dernier congrès américain d’oncologie (Asco). Quelque 800 patientes ont déjà bénéficié de ce médicament.
Historiquement, les cancers du sein sont considérés HER2+ (15-20 % des cas) ou HER2- (80-85 %). Les premiers peuvent bénéficier depuis le début des années 2000 d’une thérapie ciblée anti-HER2 : le trastuzumab (Herceptin). Ils possèdent un score 3+ en immunohistochimie (IHC) ou 2+ avec une surexpression confirmée en hybridation in situ (HIS+). Les seconds (score IHC 2+/HIS-, 1+ ou 0) n'étaient pas éligibles à ce traitement.
Mais dans les recommandations françaises mises à jour en 2021, une nouvelle dichotomie apparaît parmi la population HER2- : elle dissocie les 50 % de patientes exprimant faiblement HER2 (IHC 2+/HIS- et IHC1+) des 30 % avec un score IHC 0. « C’est un nouveau paysage. Il nous faut maintenant bien différencier les IHC 0 et 1+, explique la Pr Frédérique Penault-Llorca, anatomopathologiste et directrice du centre Jean Perrin de Clermont-Ferrand. De plus, le statut HER2 est dynamique, car il n’est pas lié à une activation oncogénique. Il faut l’évaluer à différents stades de la maladie, car il peut être réactivé. » Parmi la population HER2 faible, 65 % des tumeurs expriment des récepteurs hormonaux (RH+) et 35 %, dites triples négatives (TN), ne les expriment pas (RH-).
Gain de survie supérieur à six mois
Le T-DXd conjugue un anticorps monoclonal anti-HER2 et un inhibiteur de la topoisomérase I (chimiothérapie). Après clivage, le DXd est libéré et entraîne l’apoptose. « Toutes les cellules environnantes (dont celles surexprimant peu ou pas HER2) peuvent être touchées par l’action du médicament », détaille le Pr Jean-Yves Pierga, oncologue à l’institut Curie de Paris.
Cette activité a été évaluée dans l’étude Destiny-Breast04, menée sur 557 patientes (89 % RH+ et 11 % RH-) avec un cancer du sein HER2 faible, prétraitées par chimiothérapie, et recevant le T-DXd (n=373) ou une chimiothérapie (n = 184). Sur l’ensemble de la cohorte, le T-DXd a réduit de 50 % le risque de progression ou de décès (survie sans progression : 9,9 versus 5,1 mois, p < 0,001) et de 36 % le risque de décès.
« Il est rare d’avoir de tels résultats en survie globale dans cette situation métastatique, avec un gain supérieur à six mois (23,4 versus 16,8 mois, p = 0,001) », reconnaît le Pr Pierga. Ce bénéfice se retrouve dans le sous-groupe de patientes RH+, avec une réduction du risque de progression de 49 % et du risque de décès de 36 %, ainsi que parmi la sous-population de mauvais pronostic de tumeurs RH-, avec un risque réduit de 54 et 52 % respectivement. Un effet secondaire spécifique à cette thérapie est la survenue de pneumopathies (12 versus 1 %), interstitielles diffuses ou inflammatoires.
Environ 4 000 patientes concernées
Déjà indiqué dans le cancer du sein métastatique HER2+ (en seconde ligne depuis juillet 2022), le T-DXd est désormais autorisé monothérapie chez les adultes présentant une tumeur HER2 faible non résécable ou métastatique, prétraitée par une chimiothérapie, ou ayant récidivé pendant la chimiothérapie adjuvante (ou dans les six mois suivant son arrêt).
Au total, environ 4 000 patientes seraient aujourd’hui concernées, qu'elles soient RH+ ou triple négatives. Pour les 15 % de cancers du sein triple négatifs, l'anticorps conjugué sacituzumab govitecan (anti-Trop2) et l’immunothérapie anti-PD1/PDL1 sont également disponibles, notamment en accès précoce post-AMM. Depuis quelques jours (fin février), une autorisation d’accès précoce pré-AMM vient également d'être accordée au sacituzumab govitecan en monothérapie, chez les patientes RH+ HER2- (IHC 0, IHC 1+ ou IHC 2+/ISH-) non résécable ou métastatique, ayant reçu au moins deux lignes de chimiothérapie.
« Chez les patientes HER2- RH+, la stratégie en phase métastatique est de privilégier en première intention l’hormonothérapie associée à une thérapie ciblée, comme les inhibiteurs de kinase cycline-dépendante (CDK4/6) », rappelle le Pr Pierga (2). En cas d’échec, la chimiothérapie peut ensuite intervenir, avant le T-DXd (selon son AMM).
« Mais, ne faudrait-il pas utiliser tout de suite le T-DXd plutôt que la chimiothérapie ? », interroge l'oncologue parisien. C’est à cette question que l’étude en cours Destiny-Breast06, menée à un stade métastatique plus précoce chez les patientes RH+ en échec à l’hormonothérapie, essaiera de répondre. Elle explorera aussi jusqu’à quel niveau d’expression de HER2 le traitement reste efficace dans le sous-groupe HER2 IHC 0+, caractérisé par un très faible marquage HER2 (jusqu'à 10 %).
D’après la conférence de presse de Daiichi-Sankyo et AstraZeneca
(1) S. Modi et al, NEJM, 2022. DOI: 10.1056/NEJMoa2203690
(2) https://www.esmo.org/living-guidelines/esmo-metastatic-breast-cancer-li…
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