Cancérologie

16es Rencontres de la cancérologie française : vaincre les résistances à l’ambulatoire

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Publié le 17/11/2023
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La prise en charge des patients en cancérologie a été bouleversée par les innovations, tant sur le plan médical qu’organisationnel. Les acteurs se réunissent aux Rencontres de la cancérologie française (le 21 novembre) autour de la question de la prise en charge des patients au domicile, en ambulatoire, et grâce à des protocoles allégés… ce qui implique une mise en œuvre collective à l’échelle des territoires.
La réalité et les besoins des patients se perçoivent hors les murs

La réalité et les besoins des patients se perçoivent hors les murs
Crédit photo : BURGER/PHANIE

Depuis 16 ans, les Rencontres de la cancérologie française (RCFr) sont le rendez-vous annuel incontournable de l’innovation en cancérologie pour tous les acteurs de la prise en charge des patients touchés par le cancer (1). Sous la coprésidence des Prs Nicolas Girard, oncologue thoracique, coordinateur de l’Institut du thorax Curie-Montsouris (Paris) et Jean-Philippe Metges, oncologue digestif, de l'Institut de cancérologie et d’hématologie, au CHU de Brest, ces 16es RCFr seront consacrées à « l’accès à l’innovation en cancérologie pour le patient à son domicile ».

Pendant deux jours, plus de 100 professionnels et associations de patients seront présents pour débattre de l’apport des innovations thérapeutiques, technologiques, numériques, organisationnelles, économiques et sociétales, dans les prises en charge. À mesure de leur émergence, ces innovations ont permis de proposer aux personnes touchées par un cancer des prises en soins à domicile, allégeant en conséquence le recours à l’hôpital. Quatre exemples illustrent cette évolution : les chimiothérapies par voies orale, intraveineuse et bientôt sous-cutanée ; l’évolution des protocoles de radiothérapie, vers une réduction du nombre de séances ; la chirurgie ambulatoire, facilitant le retour rapide au domicile ; la télésurveillance ; et, dans le domaine de la prévention, la disponibilité en officine d’autotests de dépistage.

Des conditions nécessaires

Traiter un patient à la maison, c’est d’abord s’assurer que les conditions d’excellence sont réunies pour lui et pour ses proches/aidants. Les RCFr sont soucieuses de longue date d’intégrer l’expérience patient dans la décision ; des témoignages de patients ont été recueillis afin de percevoir précisément leur réalité de vie et leurs besoins, que ce soit au retour d’une chirurgie pour un cancer, au long cours avec leurs proches, leur conjoint ou conjointe, sur le plan intime notamment, ou au moment de reprendre une activité professionnelle.

Les soins de support, essentiels car ayant démontré leur lien fort avec la qualité de vie, doivent être disponibles au domicile du patient ou à proximité pour lui éviter de longs déplacements. Concernant les aspects nutritionnels, une enquête française de 2014 (1 904 patients) a révélé que 55 % des patients mangeaient moins qu’avant leur maladie et seulement 41,4 % avaient reçu des conseils nutritionnels (2). Malgré cela, la formation des professionnels de santé piétine. Selon une enquête auprès de 230 médecins hospitaliers interrogés en 2020, seuls 61 % d’entre eux avaient reçu une formation spécifique en diététique/nutrition (3).

Des réseaux structurants

La coordination ville-hôpital entre professionnels de santé est un autre facteur clé du succès de la prise en charge ambulatoire. Un des objectifs de ces 16es RCFr est de donner du sens au virage ambulatoire, en décryptant les apports des nouvelles structures territoriales de coordination, en particulier les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et les dispositifs d’appui à la coordination (DAC), aux côtés des structures déjà existantes telles que l’hospitalisation à domicile (HAD) ou les prestataires de santé à domicile (PSAD).

La médecine de précision, via l’accès aux tests moléculaires et aux plateformes de séquençage, est abordée sur le plan économique, de même que l’accès aux thérapies innovantes, dans le cadre du PLFSS 2024. L’un des enjeux est d’envisager de nouvelles modalités d’évaluation de leur efficacité car elles s’adressent à de petites populations de malades, n’entrant pas dans le schéma classique des essais cliniques de phase 3.

Aller vers les patients, vers de nouvelles organisations territoriales, vers de nouveaux modèles économiques, vers la santé digitale : entre un souhait collectif et des changements pertinents, jusqu’à quel niveau les parties concernées, professionnels de santé, institutions mais aussi associations de patients, sont-elles disposées à placer le curseur pour maximiser les chances de guérison ?

 

3e édition de CancerTech

En parallèle des RCFr, la 3e édition de CancerTech présentera un large champ d’innovations technologiques reposant ou non sur le numérique : prothèses mammaires externes ; logiciels de diagnostic des cancers reposant sur l’analyse de données par intelligence artificielle ; nouvelles thérapeutiques chimiocompatibles à base de plantes ; logiciels de télésurveillance à domicile récemment passés dans le droit commun. Certaines de ces innovations en santé digitale devraient participer de la cancérologie du futur et nécessitent de nouvelles méthodologies d’évaluation ad hoc, qui seront discutées.

(1) www.rcfr.fr, 21 et 22 novembre 2023, en présentiel, Espace Saint-Martin, à Paris, et distanciel

(2) Hébuterne X et al. JPEN J Parenter Enteral Nutr. 2014 Feb;38(2):196-204

(3) Hilmi M et al. BMJ Support Palliat Care. 2020 Sep;10(3):324-30

Michel Le Taillanter, responsable du programme RCFr/CancerTECH

Source : Le Quotidien du médecin