Le secteur médical et paramédical de l’anesthésie est vent debout contre la publication par l’Agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) d’un panorama international sur les métiers de demain.
L’objet du courroux ? Une courte fiche qui évoque le métier d’« assistant technique d’anesthésie », prenant l’exemple de l’Allemagne, où cette profession serait apparue dès 2006. Ses missions seraient équivalentes à celles de l’infirmier anesthésiste diplômé d’État (Iade), sans le volet polyvalent du diplôme d’État infirmier. L’Anap mentionne une formation de ces techniciens sur trois ans en alternance, avec 2 100 heures de cours théoriques et 2 400 heures de stage hospitalier. Quant aux perspectives de déploiement en France, la fiche rappelle « les difficultés importantes de recrutement » sur les fonctions d’Iade « qui pénalisent le fonctionnement optimal des blocs opératoires ».
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La fiche de l’Anap a aussitôt braqué la spécialité – infirmiers comme praticiens. D’abord parce que les cursus des deux métiers – infirmiers-anesthésistes d’un côté, assistants techniques d’anesthésie de l’autre – affichent des différences majeures. Alors que l’assistant technique d’anesthésie serait formé sur trois ans en alternance, les Iade sont « eux, bien plus que des techniciens », souligne le Syndicat national des infirmiers anesthésistes (Snia), qui dénonce « une illumination bureaucratique et une fantaisie administrative de l’Anap ». « Le rôle des Iade va de l’analyse fine des risques préopératoires à la gestion des complications critiques en passant par une maîtrise sans faille des techniques anesthésiques (…) Proposer un assistant technique, dont le champ d’action serait limité à des tâches mécaniques, revient à abaisser nos standards français d’excellence », ajoute le Snia.
« Technicien d’anesthésie, cela n’a jamais été une demande de la profession et cela ne le sera jamais
Dr Anne Wernet, présidente du Snphare
Deuxième grief, ce nouveau métier censé épauler les médecins anesthésistes ne correspondrait en rien à la revendication du secteur. « Technicien d’anesthésie, cela n’a jamais été une demande de la profession et cela ne le sera jamais ! On ne peut pas sous-qualifier des gens sous prétexte qu’on est pressé », s’étrangle la Dr Anne Wernet, présidente du Syndicat national des anesthésistes réanimateurs (Snphare), qui a très tôt dénoncé une « fausse bonne idée », évoquée de surcroît sans concertation. « C’est un sous-métier d’infirmier et on se demande bien à quels besoins ça répond, abonde le Pr Gilles Orliaguet, président du Conseil national professionnel (CNP) d’anesthésie-réanimation et médecine périopératoire. Ce type de métier peut certes exister à l’étranger mais nous ne sommes pas à l’origine de cette fiche, car cela pourrait aussi créer des tensions avec les Iade ».
Quant aux représentants des infirmiers anesthésistes, ils sont d’autant plus remontés que le document de l’Anap, sous couvert de poser un débat prospectif sur l’évolution des métiers, est vécu comme une critique de professions réglementées en situation de pénurie, avec l’idée qu’il est possible de faire autrement, et sans doute moins cher. « C’est pathétique : alors que nos professionnels de santé sont volontaristes, nous avons des fonctionnaires hors sol qui nous proposent un ersatz d’infirmier, déplore Christophe Paysant, président du Snia. « Cette initiative de l’Anap s’inscrit dans une politique générale qui est d’attaquer le statut réglementé, ce à quoi nous sommes totalement opposés, analyse aussi Vincent Porteous, responsable de l’Union fédérale médecins, ingénieurs, cadres, techniciens (UFMICT) CGT. La réglementation de nos métiers fixe un cadre et une trame commune dans les formations et les droits d’exercer qui sont les meilleures garanties de sécurité pour les patients. »
Et si l’Anap évoque à juste titre des difficultés de recrutement des Iade, les intéressés mettent en avant la nécessaire valorisation du métier (statut, salaire, conditions de travail), plutôt que le recours à des techniciens moins formés.
Sollicitée par Le Quotidien au sujet de sa fiche polémique, l’Anap précise que la version de son panorama des métiers de demain a « vocation à être évolutive et amendée ». Dans le cas des assistants techniques d’anesthésie, « notre analyse de la transposabilité (en France) nous a amenés à conclure qu’elle était relativement faible », concède l’agence, qui considère toutefois le métier d’assistant technique d’anesthésie comme « pertinent » (sur une échelle qui va de pertinent à inapproprié). Il s’agit d’« éclairer le débat », assume l’Anap, à la lumière des modèles internationaux.
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