Confronté à l’emballement de l’épidémie en raison de l’arrivée du variant Delta sur l’île et d’un taux de vaccination faible, le CHU de La Réunion craint d’être submergé à court terme. La Réserve sanitaire a été sollicitée et des évacuations sanitaires en direction de Mayotte et de la métropole sont à l’étude dans un climat d’urgence absolue.
Avec un taux d’incidence à 360/100 000, la situation de La Réunion n’est a priori pas la plus problématique que la France connaisse. À première vue. En effet, le TI est à relativiser avec l’éloignement géographique de l’île. « À 11 heures d’avion de la métropole, nous sommes extrêmement vulnérables au regard de l’épidémiologie. Il y a quelques jours, nous n’avions plus, pour toute l’île, que deux lits de réanimation sur les 117 dont nous disposons, 103 au CHU et 14 au CHOR (Centre hospitalier de l’Ouest, NDLR). Pour parvenir à ce nombre, nous avons dû fermer un tiers de nos blocs opératoires et repousser des opérations qui avaient déjà été déprogrammées lors de la dernière vague. Cela devient problématique, avec une réelle perte de chance pour de nombreux patients. Si l’épidémie s’emballe, comme cela semble être le cas, nous allons être submergés et risquons de devoir recourir au tri de patients », avertit le Pr Peter von Théobald, président de la Commission médicale d’établissement.
Transferts vers Mayotte et la métropole
La situation n’était guère meilleure hier, avec 96 % d’occupation des lits du CHU et du Centre hospitalier de l’Ouest (CHOR). Devant l’urgence de la situation, la cellule de crise s’est réunie jeudi 29 juillet pour poser les bases d’éventuels transferts sanitaires de La Réunion vers Mayotte, voire, comme cela a déjà eu lieu en avril dernier, de La Réunion vers la métropole. « Nous devons nous préparer dès maintenant à cette éventualité qui pourrait devenir réalité très vite. Il nous faut donc disposer de moyens armés et prêts à être mobilisés très rapidement », explique Lionel Calenge, directeur général du CHU de La Réunion.
À Mayotte, où deux cas de variants Delta ont été dépistés mercredi 28 juillet, cette éventualité ne remporte pas les suffrages des élus locaux, comme l’a expliqué Dominique Voynet, directrice générale de l’ARS Mayotte, à La Réunion 1re Mayotte hier, qui estime plus judicieux de rapatrier rapidement les patients mahorais hospitalisés à La Réunion pour des interventions non pratiquées sur l’île aux parfums. Néanmoins, pour Lionel Calenge, l’éventualité de Mayotte doit rester ouverte : « Leur capacité en réanimation est certes très limitée (16 lits, NDLR) et il faudra évaluer le profil des patients pouvant être évasanés à Mayotte, le CHM ne disposant pas de toute la prise en charge que nécessitent certains patients Covid + avec comorbidités. Nos équipes médicales sont actuellement mobilisées sur l’étude de ces profils. »
Effectifs insuffisants
La priorité pour le CHU consiste à renforcer d’urgence les compétences indispensables. Sollicitée, la Réserve Sanitaire n’a pu adresser au CHU que deux médecins anesthésistes-réanimateurs, un médecin généraliste et trois IDE de réanimation qui repartiront le 7 août. « On est loin du compte. Face au flux actuel, il nous faudrait six médecins anesthésistes-réanimateurs de plus, explique le Dr Philippe Ocquidant, chef du service de réanimation au CHU sud. Il nous faudrait aussi plus d’internes, des médecins généralistes pour le service de médecine Covid ainsi qu’une dizaine d’infirmiers ou infirmières expérimentés en réanimation. Évidemment, si l’épidémie monte en puissance, ces renforts s’avéreront vite insuffisants ».
La montée en puissance ne fait plus de doute. Les chiffres de ces deux derniers jours faisaient état de plus de 600 nouveaux cas par jour, ce qui peut s’avérer problématique au vu du faible taux de vaccination à schéma vaccinal complet à La Réunion (28 % au 23 juillet) et de la fréquence de comorbidités dans la population locale. D’autant que les équipes permanentes sont à bout : le taux d’absentéisme du personnel paramédical est passé de 3 % en 2020 à 10 % en 2021.
Le préfet, en concertation avec les autorités de santé, a donc décidé de reconfiner a minima La Réunion jusqu’au 16 août, en limitant les déplacements à dix kilomètres du domicile en semaine et cinq kilomètres le dimanche et en imposant un couvre-feu de 18 heures à 6 heures. L’objectif avoué de ces restrictions étant de freiner la propagation du virus et du variant Delta dans les rassemblements familiaux et festifs, à l’origine de nombreux clusters sur l’île.
Restructuration de crise
En attendant les renforts espérés de la Réserve sanitaire, le CHU se réorganise avec le soutien des établissements publics et privés. « Le Groupement hospitalier de l’Est (GHER) et le groupe Clinifutur, qui disposent d’unités de soins continus, ont accepté de prendre en charge des patients en chirurgie obstétrique et en chirurgie viscérale que nous avions dû déprogrammer. De même, certains de nos patients en soins continus non-Covid pourraient être réaffectés au GHER à compter du 7 août pour nous permettre de renforcer nos lits de réanimation. Pour cela, le GHER va transformer son service de soins continus de semaine en accueil permanent », conclut le directeur général du CHU.
Le CHOR, de son côté, a ouvert 15 lits de médecine Covid le 29 juillet afin de soulager le CHU dont les unités Covid approchent la saturation, avec 90 % d’occupation ce 30 juillet au matin. Pour le Pr Peter von Théobald, le meilleur CHU du monde ne peut donner que ce qu’il a : « Si des renforts n’arrivent pas, si la population ne joue pas le jeu des gestes barrières, nous allons devoir faire face à une situation dramatique à laquelle aucun soignant ne veut être confronté. » Et il n’est même pas certain que des évacuations vers la métropole, à raison de quatre patients par vol, puissent stopper durablement l’embolisation annoncée des services de réanimation réunionnais.
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