Première cause d’hospitalisation non programmée chez le sujet âgé de plus de 65 ans, l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) est grevée d’un taux de mortalité atteignant 12 % durant l’hospitalisation, plus de 8 à 20 % dans les deux mois suivant la sortie et de 25 à 50 % dans les cinq ans. « Bien que la population âgée soit la plus concernée par l’ICA, elle n’apparaît que partiellement dans les grands essais cliniques, ayant donné lieu aux recommandations internationales à ce sujet. Nous avons donc essayé d’apporter des réponses concernant la prise en charge, en préhospitalier et aux urgences, ainsi qu’en phase de suivi thérapeutique, pour tous les praticiens impliqués dans cette filière spécifique : urgentistes, cardiologues et gériatres, mais également internistes, généralistes, néphrologues, etc. », explique le Pr Nicolas Peschanski (CHU de Rennes), premier auteur de cette publication (1).
La population âgée présente des spécificités, notamment la présence de pathologies associées, qui rendent la situation complexe au regard des recommandations générales. « L’important est qu’à toutes les étapes, il y ait une réflexion multidisciplinaire des trois spécialités — urgentistes, cardiologues et gériatres — pour définir le parcours de soins du patient âgé. »
L’âge ne doit pas être une limite
« La population âgée doit bénéficier de la même qualité de soins que la population générale et ce, dès le préhospitalier », signale l’urgentiste.
« La mise en place d’un réseau de télémédecine est vivement recommandée, si les outils sont disponibles. C’est une nouveauté par rapport aux recommandations générales. La filière ambulatoire Prado, par exemple, dédiée à la télésurveillance des patients insuffisants cardiaques à domicile au décours d’une hospitalisation, permet de prévenir certaines complications et hospitalisations », note le Pr Peschanski.
La mise en place d’un réseau de télémédecine est vivement recommandée
Il faut également prendre en compte les comorbidités, pour prévenir une réhospitalisation et, dans ce contexte, l’avis du gériatre est important.
Aux urgences, les facteurs déclenchants doivent être systématiquement recherchés : infection, anémie, troubles du rythme cardiaque, etc. « Dès les urgences, on peut agir en prévention des rechutes et des réhospitalisations. Si l’insuffisance cardiaque est déjà connue, il faut préserver les traitements du mieux possible, ne pas les arrêter, voire les optimiser », préconise le Pr Peschanski.
Imagerie et dosages
Il faut réaliser systématiquement un ECG aux urgences, et le renouveler au cours du séjour hospitalier, mais il n’y a pas lieu de surveiller en continu le patient en l’absence de signes de gravité.
Quant au dosage des peptides natriurétiques (BNP ou NT-proBNP) aux urgences, ce n’est pas un outil permettant d’améliorer la pertinence diagnostique et pronostique. « À l’analyse de la littérature, on s’aperçoit qu’il n’y a pas de seuils spécifiques de positivité valables pour la population âgée. En revanche, son utilité est reconnue avant la sortie de l’hôpital, pour avoir un taux de référence », indique l’urgentiste.
Le dosage de troponine quant à lui est recommandé aux urgences, pour un diagnostic étiologique, corrélé à la clinique et à l’analyse de l’ECG. Il peut être répété une fois.
Devant une dyspnée, il est recommandé de réaliser une échographie clinique thoracique, pulmonaire et cardiaque, pour diagnostiquer une ICA chez une personne âgée.
Enfin, les experts recommandent la réalisation d’une échographie transthoracique par le cardiologue pendant l’hospitalisation, dès que le patient est capable de maintenir une position en décubitus.
Une prise en charge multidisciplinaire
« Nous avons précisé les modalités thérapeutiques, notamment les posologies, qui n’étaient pas toujours explicitées dans les recommandations plus générales », explique le Pr Peschanski.
Une recommandation a été émise en faveur d’un traitement de furosémide en bolus en cas de congestion, qui peut être répété toutes les six heures. L’administration de dérivés nitrés est également recommandée, tant que la pression artérielle systolique est supérieure à 110 mmHg. Par ailleurs, il faut poursuivre les traitements au long cours tant que possible (bêtabloquants, ICE, ARA2, etc.).
Il n’est pas recommandé de mettre une sonde urinaire à demeure.
« Dans tous les cas, il faut recourir à une prise en charge pluridisciplinaire, puis orienter les patients vers un réseau de soins adapté impliquant tous les acteurs de la filière de soin. Il leur appartient de l’organiser, en établissant un dialogue constant afin d’améliorer la morbimortalité de l’ICA chez les personnes âgées », insiste le Pr Peschanski.

(1) Peschanski N et al. Arch Cardiovasc Dis, 2024
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