Alors que les allergies explosent et concernent 30 % de la population en France aujourd’hui - soit 18 millions de personnes -, les quelque 1 500 à 2000 allergologues ne suffisent pas à assurer les soins. La Fédération française d’allergologie (FFAL) a présenté des propositions pour pallier la pénurie médicale et offrir une prise en charge optimale lors d’un colloque le 19 novembre à Paris au sein du ministère de la santé.
Pour l’instant, la Direction générale de la santé et le ministère ne se sont pas engagés formellement sur des propositions concrètes mais « il y a un accord de principe, explique le Pr Frédéric de Blay, président de la FFAL, pneumologue-allergologue au CHU de Strasbourg. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) est très intéressée par notre approche originale d’organisation d’une maladie très fréquente. C’est un signe de reconnaissance fort de la part du ministère d'avoir accueilli notre colloque en ses murs ».
L’allergologie, qui est devenue une nouvelle spécialité depuis janvier 2017, se mobilise ces dernières années. Pour preuve, les allergologues ont réussi fin 2018 à sauver l’immunothérapie en sous-cutané, alors menacée de déremboursement, même si elle reste toujours en ballottage.
Le poids de l'environnement
Intitulé « Allergies et environnement, mobilisons-nous », le colloque, qui a réuni professionnels de santé, associations de patients, élus locaux, entrepreneurs, a pour objectif de provoquer une prise de conscience de l’ensemble des acteurs de l’allergie. « L’allergie est liée à l’environnement et ainsi améliorable par la prévention », explique le Pr de Blay.
Plus de 90 % de la population mondiale vit dans des lieux où les niveaux de la qualité de l’air ne respectent pas les limites fixées par l’OMS. L’air intérieur est entre 5 à 7 fois plus pollué que l’air extérieur. De plus le climat et les expositions allergéniques se modifient, « les habitudes alimentaires changent, ainsi que les comportements », note la Dr Marie-Christine Delmas, épidémiologiste à Santé publique France. Entre autres exemples, la tendance à manger moins de viande expose à de nouveaux allergènes contenus dans les protéines d'origine végétale.
Le poids des allergies va aller croissant - la moitié de la population pourrait être atteinte d’ici à 2030 selon les projections. « Les enfants présentent des allergies multiples et de plus en plus graves », souligne le Pr de Blay. Le retard de prise en charge diagnostique est de 7 ans chez l’adulte et de 3 à 5 ans chez l’enfant. Comme l'a rappelé le Dr Delmas, « alors que l’asthme de l’enfant est à 80 % d’origine allergique, la prévalence de l’affection dans cette population continue à augmenter chez nous, contrairement à d’autres pays. Le nombre d’hospitalisation pour asthme augmente en pédiatrie ».
Aujourd’hui, la FFAL a obtenu de former au moins 70 allergologues/an afin de remplacer les spécialistes partant à la retraite. « Il existe déjà au sein des CHU des unités transversales d’allergologie (UTA), explique le Pr de Blay. Ces soins de recours permettent de réaliser des tests de provocation alimentaires, médicamenteuses et/ou bronchiques ».
Un réseau avec des nouveaux métiers intermédiaires
Tous les patients n’ont pas besoin des services des UTA et la FFAL propose une organisation où le médecin généraliste mais aussi le pharmacien ont un rôle pivot. « Il est nécessaire de créer un réseau avec de nouveaux métiers intermédiaires, explique le Pr de Blay. Il y a une place à prendre pour les infirmières en pratique avancée, ou encore les diététiciens et les psychologues. Des personnes formées peuvent être des relais avant d’accéder à un spécialiste ».
Si certains centres d’UTA sont surspécialisés, comme à Strasbourg ou Lyon, il y a encore des lacunes. « À La Rochelle, les enfants sont obligés d’aller à Paris pour faire des tests de provocation alimentaire, cite le Pr de Blay. Une piste est de collaborer avec des allergologues du privé en faisant du hors conventionnement. C’est un nouveau modèle à concevoir ».
Dans les propositions de la FFAL, les élus locaux sont également appelés à participer : accès à la cantine à des repas compatibles avec le Projet d’accueil individualisé (PAI) dès la crèche, kit pédagogique pour le personnel encadrant, amélioration de l’air intérieur dans les écoles (aération des classes, produits faiblement allergéniques), et de l’air extérieur (arbres faiblement allergisants, « préférer le cyprès au bouleau », cite le Pr de Blay, renforcer le plan de lutte contre les espèces végétales les plus allergisantes). Quant aux entreprises, il leur est proposé d’améliorer l’air intérieur des bureaux ou encore de respecter la réglementation INCO dans les cantines.
Des entrepreneurs se sont dits d’ores et déjà prêts à signer la plateforme de proposition ouverte jusqu’en mars 2020. « L’idée est de descendre en cascade de Paris vers la province et de recueillir le maximum de signatures, explique l'allergologue de Strasbourg. Au 2e trimestre 2020, l’heure sera au bilan ». Le Pr de Blay se veut optimiste, « le tissu existant en France est l'un des meilleurs en Europe », citant le Royaume-Uni et ses 200 allergologues, et assure que « cela vaut vraiment le coup de se mobiliser ».
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