Le ministre chargé de la Santé, Yannick Neuder, a déclaré ce 1er janvier vouloir « étudier » la voie du cannabis médical en France, tout en se disant opposé à une légalisation de son usage récréatif.
L'année 2025 devait voir l'arrivée en France de traitements à base de cannabis à des fins thérapeutiques, à la suite d'une période d'expérimentation menée auprès de quelques milliers de patients, qui s'est achevée le 31 décembre 2024. Mais le flou règne toujours sur leur avenir, en attendant une décision du gouvernement.
Certes, en réponse aux inquiétudes du secteur (professionnels de santé, patients, industriels), le ministère de la Santé vient de donner un sursis aux quelque 1 800 patients encore traités dans le cadre de l'expérimentation : « une période de transition » de six mois à partir de ce mercredi 1er janvier, a rapporté l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). Mais pour l’institution en charge du dossier, il s'agit explicitement de faciliter un « arrêt de la prise en charge », autrement dit de permettre à ces patients de passer à d'autres traitements. Une position qu’a nuancée Yannick Neuder en déclarant que les patients actuellement dans l'expérimentation pourront, jusqu'au 30 juin prochain, « continuer à prendre (du cannabis thérapeutique) en attendant de réorganiser, de consulter pour savoir si on fait une filière autour de cette nouvelle source de médicaments ».
« Je pense qu'il faut étudier cette voie de cannabis thérapeutique parce que ça couvre un champ de douleurs rebelles qui ne sont souvent pas soulagées par d'autres médicaments », comme dans « la cancérologie, les raideurs, les algies faciales », a détaillé le ministre, cardiologue de formation, à l'issue d'une visite à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Cette expérience, lancée en mars 2021, devait permettre de décider si l'utilisation du cannabis à des fins thérapeutiques pouvait devenir réalité en France, comme c’est déjà le cas dans la majorité de l'Union européenne (UE), ainsi que dans plusieurs États américains. Après plusieurs années d'expérimentation, l'ANSM avait annoncé en février dernier que les premiers traitements à base de cannabis seraient disponibles en 2025.
Malgré son succès, l’expérimentation tarde à se concrétiser
Sur le plan médical, l'intérêt du cannabis médical ne fait pas consensus. En France, l'Académie de médecine, plutôt conservatrice dans ses positions, se montre sceptique.
La recherche reste mitigée. La principale étude de référence, publiée en 2021 dans le British Medical Journal (BMJ) et réalisée à partir de nombreux autres travaux, concluait que le cannabis médical permet d'améliorer de façon « limitée » ou « très limitée » la situation des patients. Si le cannabis médical n’est pas un médicament miracle, c’est une option qui, pour les médecins de l’expérimentation, fonctionne chez les patients douloureux et dans certaines épilepsies pharmacorésistantes.
Il reste que l'expérimentation française apparaissait comme un succès aux termes qui lui avaient été fixés. Et les parlementaires ont bien approuvé l'introduction de traitements à base de cannabis. Pourquoi ces dispositions n'ont-elles jamais été concrétisées par l'État ? En 2024, aucune explication n'a été fournie par le ministère de la Santé, dans un contexte certes marqué par une forte instabilité politique avec quatre gouvernements en un an.
Une série de reports et de contretemps au fil des ans
Certains acteurs se refusent néanmoins à y voir la seule explication de ce blocage, rappelant que l'expérimentation n'a cessé de connaître reports et contretemps au fil des ans. « L'instabilité politique n'a probablement pas aidé à l'avancée de ce dossier mais il faut aussi dire que les derniers gouvernements semblaient de moins en moins favorables (...) à concrétiser l'accès à ces médicaments », juge auprès de l'AFP le Pr Nicolas Authier, qui supervise l'expérimentation sur le plan scientifique.
Y a-t-il une chance de voir finalement apparaître de tels traitements ? Selon le Pr Authier, un tel choix ne peut être que « politique » et supposerait ensuite au moins six mois de démarches administratives pour devenir concret.
La décision est donc largement entre les mains du ministre de la Santé, Yannick Neuder. Issu de la droite et nommé en décembre dans le gouvernement Bayrou, le député de l’Isère a défendu par le passé le cannabis à usage thérapeutique tout en étant opposé à une dépénalisation de son usage récréatif. « Dans les prochaines semaines, je réunirai les acteurs concernés pour leur donner une visibilité durable sur le sujet », a promis le 31 décembre le ministre de la Santé, dans un communiqué, avant de déclarer le lendemain juger possible de parvenir à une « position très équilibrée » sur le sujet.
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