Avec quelques mois de recul, que sait-on de l'impact sur les consommations de substances psychoactives d'un événement hors norme tel que le confinement imposé aux Français entre le 17 mars et le 11 avril ? L'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a publié ce jeudi 8 octobre un premier aperçu dans la revue « Tendances ».
« Certains travaux ont identifié l'ennui, le stress, les troubles du sommeil, l'anxiété, la dépression ou les conduites suicidaires parmi les principales conséquences du confinement sur les personnes vulnérables », estime l'OFDT qui constate le peu d'études s'intéressant spécifiquement aux effets du confinement sur les consommations de substance psychoactives. L'OFDT évoque notamment les hausses de consommation de tabac et d’alcool pour certains usagers ainsi que l'essor du poker en ligne.
Le cannabis, une évolution contrastée
Ce numéro de « Tendances » traite en particulier des premiers résultats de l’enquête Cannabis online, à laquelle 2 778 personnes ont répondu cet été. Le premier constat est une évolution très contrastée des consommations de cannabis : parmi les usagers déclarant avoir consommé au moins une fois au cours des 12 derniers mois, plus d’un sur quatre (27 %) a augmenté sa consommation et un quart l’a maintenue au même niveau. À l’inverse, toujours parmi ces usagers actuels, 28 % indiquent ne pas avoir consommé, 16 % avoir diminué et 4 % avoir interrompu cet usage durant la période. L'évolution de la consommation semble liée au profil de consommateur avant le confinement : « D’une façon générale, plus celle-ci était élevée avant le confinement, moins le comportement d’usage a varié », résume l'OFDT.
En limitant ou interdisant les occasions de sorties et de sociabilité, le confinement a modifié les contextes de consommation. La consommation solitaire qui concernait moins d’un usager sur dix avant le confinement est déclarée par quatre usagers sur dix (39 %) pendant le confinement, et ce quelle que soit la fréquence d’usage. De même, 38 % des usagers actuels déclarent avoir commencé à fumer plus tôt dans la journée pendant cette période.
Dernière observation importante : le confinement a eu un effet important sur le prix de certains produits. Au regard des déclarations des répondants, le prix de la résine est passé de 5,70 euros le gramme à 7,20 euros, alors que celui de l’herbe (produite plus souvent localement) serait resté stable autour de 7 euros. Plus globalement, le confinement a réduit les approvisionnements en cocaïne, en héroïne et en cannabis, du fait de l'interruption des liaisons aériennes, avec des augmentations substantielles de prix à la clé.
Une estimation en creux du tabac acheté à l'étranger
L'offre de tabac et d'alcool est restée importante en France au cours des deux mois de confinement. Les débits de tabac sont restés ouverts car les produits nicotiniques ont été classés « produits de première nécessité ». Les ventes de tabac ont bondi au cours de la période (+23,6 % entre mars et avril). Cette évolution est très contrastée géographiquement : entre avril 2019 et avril 2020, elle est de +25,6 % dans les départements frontaliers et -3,5 % dans les autres départements.
Il est donc probable que cette hausse soit en fait un transfert d'achat provoqué par la fermeture des frontières. C'est donc « grâce » au confinement que l'OFDT est désormais en mesure d'évaluer à environ 20 à 25 % la part des ventes de tabac qui échappe au monopole des buralistes.
Concernant l'alcool, il y a eu une baisse modérée, et ciblée pour la vente de quelques produits, avec un repli de 4 % des ventes d'alcool lors des 2 mois de confinement suivi d'un fort rebond. Les ventes de champagne se sont notamment bien portées à la sortie du confinement.
Quant au niveau de consommation, l'enquête CoviPrev menée par Santé publique France ne permet pas de dégager de tendance claire : 55 % des fumeurs ont déclaré maintenir une consommation de cigarette stable, plus d'un quart a augmenté et 19 % ont réduit leur consommation. Par ailleurs, 65 % des usagers d'alcool ont maintenu leur consommation, 24 % l'auraient diminué et 11 % ont bu davantage.
La peur du relâchement
Au-delà des effets du confinement et de la crise sanitaire sur les addictions, l'OFDT s'interroge sur les effets à long terme de la crise sanitaire. « Le confinement a-t-il affecté les habitudes de vie et les comportements d'usage dans les mêmes proportions selon la catégorie socio-économique ? Comment a-t-il pesé sur le risque de violences intrafamiliales ? Quelle est la part des usagers de drogues parmi les décès liés au Covid ? Doit-on craindre un enracinement des modifications de comportement observées durant le confinement ? » Autant de questions auxquelles devraient répondre des enquêtes en cours.
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