LE DR JEAN-MICHEL WATTIER rappelle que l’Afssaps a envisagé le retrait définitif des spécialités contenant du dextropropoxyphène, à la suite d’un avis défavorable de l’Agence européenne du médicament (EMEA), en raison d’un risque de décès en cas de surdosage. En juin 2010, la Commission européenne demande le retrait dans un délai de 15 mois dans tous les pays de l’Union. Pendant cette période intermédiaire, les autorités françaises demandent aux praticiens de ne plus initier de nouveaux traitements mais seulement de renouveler des traitements en cours.
Une décision mal comprise.
Le moins que l’on puisse dire est que cette décision a été mal comprise par les généralistes et par le Dr Wattier. Ce dernier, qui dit avoir été favorable à un tel retrait depuis longtemps, pense que l’on a mis en avant une mauvaise raison, un risque de suicide, qui, renchérissent les généralistes, peut être observé avec des doses anormalement élevées de nombreux médicaments.
En fait, le Dr Wattier pense qu’il fallait mieux mettre en avant des arguments pharmacologiques (association peu souhaitable d’une molécule à demi-vie courte, le paracétamol, et d’une molécule à demi-vie longue, le dextropropoxyphène) et, surtout, le risque d’effets indésirables cardiaques (allongement QT), rapportés par la FDA en novembre 2010. Certes, reconnaît le Dr Wattier, les cas rapportés aux États-Unis correspondent à des doses qui sont le double de celles qui sont recommandées, mais cela n’exclut pas un risque cardiaque chez les sujets âgés et/ou insuffisants rénaux. Or la douleur est particulièrement fréquente chez le sujet âgé.
Certains généralistes s’étonnent de cela et de la manière : « on en a prescrit beaucoup et pendant des années sans aucun problème ! ». À cela le Dr Wattier répond qu’à l’époque où les anciens produits ont été commercialisés, les évaluations de la tolérance étaient beaucoup moins exigeantes et qu’en l’absence de données claires la survenue de troubles du rythme chez des patients prenant une APD n’a pas été rapportée à la pharmacovigilance. Plusieurs exemples sont malheureusement venus illustrer cette réalité.
Dernier motif de mécontentement des généralistes « et, en plus, on apprend toujours cela par la télévision ! » Pourquoi, après tant d’années, ne pas se donner un peu de temps pour alerter d’abord les professionnels de santé ?
Les généralistes ne comprennent pas non plus, d’une façon générale les mesures de retrait progressif : « on affole les populations et, parallèlement, on donne 15 mois pour supprimer le danger mis en avant. Incompréhensible ! »
Une décision globalement respectée.
On aurait pu penser qu’un accueil aussi mitigé engendre un mauvais respect de la décision prise par les autorités sanitaires mais cela ne semble pas être le cas pour la quasi-totalité des généralistes présents qui déclarent se limiter au renouvellement des traitements en cours « et encore pas systématiquement. » Quant à la pression éventuelle exercée par des « accrocs », les médecins présents disent y résister. De plus « la médiatisation extrême des effets indésirables de certains médicaments tempèrent bien des ardeurs chez les patients », souligne l’un d’entre eux.
Cette décision met en tout cas en lumière l’importance d’un bilan soigneux d’une douleur et du terrain sur lequel elle survient. Tout d’abord pour dépister les douleurs neuropathiques et psychogènes qui relèvent de traitements spécifiques (antidépresseurs, anti-épileptiques, topiques, psychothérapies diverses) et cela sans avoir à respecter des paliers.
Pour les douleurs nociceptives, les généralistes présents reconnaissent plus souvent recourir aux doses maximales de paracétamol (4 g/j), quand le terrain le permet et quand la douleur n’est pas trop intense « car alors on n’a pas le temps d’attendre ». À noter que les généralistes présents déclarent avoir réduit leurs prescriptions d’AINS après les problèmes survenus avec les anti Cox et en raison des effets rénaux mentionnés (la tolérance digestive étant un problème déjà connu).
En cas de douleur plus intense et/ou d’échec du paracétamol, les généralistes se tournent naturellement vers les paliers II ne contenant pas du dextropropoxyphène, l’association paracétamol – tramadol paraissant la plus utilisée. « En sachant, souligne un généraliste, que ces alternatives exposent également à des effets indésirables ». Enfin, les généralistes sont unanimes : tous affirment que le retrait de l’APD ne les a pas conduits à prescrire d’avantage d’opioïdes forts.
« Cela coïncide bien avec le bilan dressé par le CHU de Toulouse qui avait arrêté l’utilisation de l’APD dès 2005 : on a assisté à un transfert de prescription vers les paliers I dans environ 20 % des cas, vers les autres paliers II dans 25 % des cas et vers les paliers III dans 9 % des cas. On remarque que dans plus de 4 cas sur 10 il n’y a pas eu transfert, ce qui suggère une amélioration sensible du bilan des douleurs », conclut le Dr Jean-Michel Wattier.
* Réunion organisée par le Quotidien du Médecin avec le soutien institutionnel des laboratoires Grünenthal.
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