DE NOTRE CORRESPONDANTE
LORS D’UNE intervention chirurgicale, le triple défi de l’anesthésiste est de s’assurer que le patient ne bouge pas, qu’il dorme, et ne souffre pas. Pour ce dernier point, les paramètres physiologiques classiques dont disposaient les anesthésistes (électrocardiogramme, saturation artérielle et pression artérielle) ne permettaient pas de mesurer précisément la douleur du patient. Une nouvelle technologie mise au point par une équipe de chercheurs lillois permet désormais cette mesure. Une découverte mondiale dont les applications sont multiples.
Cela fait vingt-trois ans que les chercheurs du Centre d’investigation clinique et d’innovation technique de Lille (CICIT) planchaient sur le sujet : tenter de mesurer avec précision la douleur ressentie par un patient afin d’administrer la dose précise de drogue nécessaire. Le sous-dosage entraîne en effet une douleur, le surdosage, lui, peut être toxique et provoquer des hyperalgies postopératoires ( ce qui se produit dans 20 % des cas). L’enjeu était donc considérable.
Le rythme cardiaque.
La technologie mise au point par Régis Logier, directeur du service de recherche, et le Dr Matthieu Jeanne, clinicien, utilise la variabilité sinusale du rythme cardiaque pour « lire » avec précision la souffrance ressentie par le patient. « En clair, nous avons constaté que le temps entre deux battements cardiaques variait avec la douleur ; la lecture en continu de ce paramètre permet donc de déceler la douleur », explique Fabien Pagniez, le jeune patron de l’entreprise MetroDoloris, qui développe ce nouveau moniteur révolutionnaire. Diplômé en ingénierie médicale, il a lancé une technologie innovante de monitorage hémodynamique pour une société allemande, puis travaillé quatre ans sur le monitorage de la profondeur de l’anesthésie avant de créer sa propre société : MetroDoloris. Récompensée par de nombreux prix ( dont le Sésame du ministère de la Recherche et tout récemment les Victoires de la médecine), la jeune société a réussi à lever 1 million d’euros. Une fois obtenu le marquage CE (synonyme d’AMM pour ce type de matériel) de son moniteur en septembre 2010, elle a pu lancer la production.
Trente-huit moniteurs sont déjà installés dans des hôpitaux et cliniques, essentiellement dans des blocs opératoires (70 %) mais aussi dans des salles de réveil, en pédiatrie ou dans des services d’obstétrique. « En fait, cette technologie est précieuse dés lors que le patient ne peut pas communiquer, précise Fabien Pagniez : en anesthésie générale, avec des personnes démentes, en salle de réveil avec des personnes sédatées, ou avec les tout-petits. »
Pour ces derniers, MetroDoloris développe actuellement une application spécifique avec le Pr Laurent Storme, du service de néonatalogie du CHRU de Lille . Son moniteur destiné à mesurer la douleur des bébés doit sortir en avril prochain.
Les applications de ce nouveau procédé de mesure sont innombrables, mais il faut du temps pour que les médecins l’intègrent dans leur pratique. « On estime qu’il faut en général une génération de médecins, soit dix ans, pour changer les pratiques », dit le président de la société lilloise. En attendant, les carnets de commande se remplissent. L’appareil, commercialisé 9 500 euros, intéresse aussi bien les cliniques que les hôpitaux. À l’heure où les classements entre établissements se multiplient, la possession de cet équipement deviendra peut-être un critère de choix pour les patients. La peur de souffrir est en effet la principale appréhension des malades.
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