LA SANTE EN LIBRAIRIE - Fiction et témoignage
TOUTE RESSEMBLANCE avec des personnages existant ou ayant existé n’est assurément pas pure coïncidence. Philippe Lévy en convient : « C’est le souvenir et la conscience de A., de H., de E. et de tous les autres qui a justifié ce livre. » Des hommes et des femmes plus ou moins malades, des médecins et des infirmières plus ou moins attentifs, adroits, absorbés par leurs métiers ou leur vie privée et empathiques : la galerie de portraits proposée et les histoires racontées sonneront juste pour tous ceux qui connaissent le monde de l’hôpital ou celui de la maladie. Des urgences aux sous-sols de l’hôpital en passant par les blocs opératoires, les chambres de patients, sans oublier les couloirs et les salles de soins, l’auteur dissèque « la mécanique de ce monstre qui, tel un saurien, semble dormir et pourtant avale, digère, puis recrache les malades, pour le meilleur ou pour le pire ».
À et « son » cancer du pancréas, dont le bassin « s’enfonce comme deux pelles dans du sable mouillé » tant il a maigri, la belle E., « qui manie l’humour comme une arme contre sa propre détresse » pour résister au cauchemar de son cancer pulmonaire, la discrète et merveilleuse infirmière débutante Geneviève, qui sait avoir un regard juste et empathique, le cancérologue H., la vieille dame de la rue Lepic ou l’interne qui pleure sur sa propre impuissance à extraire de la misère une jeune fille, et bien d’autres personnages s’entrecroisent dans ce voyage au cœur de l’hôpital.
Témoin de souffrances insoupçonnables pour ceux qui sont à l’extérieur, « cette forteresse extraterritoriale » bruisse d’expériences multiples et contrastées dont l’auteur parvient à nous communiquer la violence. Philippe Lévy sait nous faire percevoir les odeurs et les bruits, si caractéristiques de l’hôpital, saisir les limites et la grandeur des professionnels comme des patients, éprouver l’effroi ou l’émotion de chacun, comprendre les difficultés des uns et des autres. Ceux qui ont peu fréquenté ce navire seront tantôt émus, tantôt effrayés, tantôt surpris, et même parfois amusés. « Dans un hôpital tout se voit et les contrastes sont exacerbés par l’urgence ou la gravité. Comme dans le huis-clos d’un bateau sur l’océan. Les personnalités des uns et des autres sont rapidement à nu », écrit P. Levy. Ses personnages de fiction, sans doute « mosaïques » de sujets rencontrés dans la vraie vie, témoignent avec justesse de la vie du « monstre hospitalier », de la liberté de chacun pour trouver en lui les ressources pour survivre, pour se refaire, se reconstituer et continuer .
Philippe Lévy, « le Transit des corps », Balland, 293 p., 19,90 euros.
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