Définition
La définition internationalement admise de la douleur neuropathique, celle de l’association internationale pour l’étude de la douleur (International Association for the Study of Pain, IASP) est une « douleur initiée ou causée par une lésion primitive ou un dysfonctionnement du système nerveux ». Certains auteurs proposent de la définir comme « une douleur associée à une lésion ou une maladie affectant le système somatosensoriel ». Les douleurs de ce type sont fréquemment méconnues, sous-estimées et insuffisamment traitées.
Diagnostic : des erreurs par défaut
En pratique, ce sont un interrogatoire et un examen clinique bien conduits qui permettent de poser le diagnostic de douleur neuropathique (1).
L’interrogatoire recherche deux types de composantes douloureuses qui peuvent exister isolément ou coexister chez un même patient. Dans le premier cas, les douleurs sont spontanées, c’est-à-dire qu’elles surviennent en l’absence de stimulation, et elles peuvent être continues ou paroxystiques. En revanche, les douleurs provoquées sont induites par des stimulations diverses, par exemple tactiles ou thermiques. Dans ce cas, on distingue l’allodynie, une douleur en réponse à une stimulation qui ne provoque normalement pas de douleur, et l’hyperalgésie, qui est une augmentation de la réponse à un stimulus normalement douloureux.
Le patient emploie volontiers un vocabulaire particulier pour décrire ces douleurs, ressenties comme des brûlures, des décharges électriques ou une sensation de froid douloureux. Ce vocabulaire doit attirer l’attention. Les patients décrivent souvent des sensations anormales à type de paresthésies ou de dysesthésies. Ces sensations ne sont pas douloureuses, mais elles sont le plus souvent désagréables. Il s’agit de fourmillements, de picotements, de démangeaisons ou d’une sensation d’engourdissement.
La recherche d’un contexte de lésion ou de maladie du système nerveux doit également faire l’objet de l’interrogatoire, éventuellement avec intervalle libre entre la lésion et l’apparition de la douleur. Les douleurs sont par ailleurs chroniques, ce qui est établi par leur persistance de la douleur depuis plus de trois mois. Elles surviennent enfin dans un contexte neurologique qu’il faut chercher à mettre en évidence.
L’examen recherche ainsi des signes neurologiques comme un déficit sensitif tactile, à la piqûre, au chaud ou au froid. Il vérifie également que la localisation des douleurs correspond à un territoire compatible avec une lésion neurologique, périphérique ou centrale.
Le DN4, un outil de dépistage
Une douleur neuropathique est ainsi reconnue par la convergence des éléments de l’interrogatoire et de l’examen clinique. Cette démarche comporte deux risques, le premier par défaut, qui est celui de pas évoquer une douleur neuropathique quand le contexte n’est pas neurologique, par exemple en situation post-opératoire, et le second par excès, c’est-à-dire de penser à une douleur neuropathique dès que le contexte est neurologique. Il est nécessaire de faire appel à des outils de dépistage. La sensibilité et la spécificité du DN4 (Douleur Neuropathique en 4 questions * - un score diagnostique en quatre questions, simple et rapide d’utilisation), qui sont de 83 et 90 % par comparaison avec le dépistage clinique seul, sont excellentes (2).
Une douleur chronique
Par ailleurs, une douleur neuropathique est avant tout une douleur chronique. En tant que telle, elle doit faire l’objet d’une évaluation multidimensionnelle, bio-psycho-sociale. Une échelle catégorielle, numérique ou visuelle analogique, toujours la même au cours du suivi, doit être employée. Cette évaluation permet de se rendre mieux compte de l’amélioration sous traitement, et de définir le symptôme le plus gênant pour le patient.
Première ligne
Thérapeutique de première ligne : gabapentinoïdes et antidépresseurs.
Les douleurs neuropathiques ne répondent pas ou peu aux antalgiques de palier 1.
Le choix du traitement médicamenteux ne dépend par ailleurs pas de l’intensité des douleurs, comme c’est le cas dans les douleurs nociceptives. En revanche, il est fondé sur l’efficacité la mieux établie, le meilleur rapport bénéfice-sécurité d’emploi et sur une éventuelle action conjointe sur les comorbidités comme l’anxiété, la dépression ou les troubles du sommeil. Il est recommandé de faire appel en première intention, à une monothérapie par antidépresseur tricyclique comme l’amitriptyline à la dose de 25 à 150 mg/j, ou par antiépileptique gabapentinoïde comme la gabapentine à la dose de 1 200 à 3 600 mg/j, ou la prégabaline à la dose de 150 à 600 mg/j**. Le choix entre ces classes thérapeutiques est fonction du contexte, des comorbidités associées, de leur sécurité d’emploi et de leur coût. Le traitement doit être complété par l’explication simple et claire des mécanismes de la douleur neuropathique et des objectifs des traitements. Dans cette stratégie thérapeutique, d’autres traitements ont leur place et notamment les antidépresseurs mixtes comme dans la venlafaxine et la lidocaïne en emplâtre dans les douleurs neuropathiques de topographie limitée comme l’algie post-zostérienne.
Le médecin généraliste doit adresser le patient aux spécialistes si un soulagement urgent est nécessaire en raison de l’intensité des douleurs ou en cas de comorbidités psychiatriques sévères. L’échec d’un traitement bien conduit ou des abus médicamenteux, l’existence d’un litige et/ou la forte intrication de facteurs socioprofessionnels sont aussi des indications à travailler en collaboration avec un spécialiste.
Références
(1) Martinez V, et coll. Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement en médecine ambulatoire. Recommandations pour la pratique clinique de la Société française d’étude et de traitement de la douleur. Douleurs 2010 ; 11 (1) : 3-21.
(2) Cruccu G, et coll. EFNS guidelines on neuropathic pain assessment: revised 2009. Eur J Neurol 2010 : 17 ; 1010-8.
* Le DN4 est disponible en sur le site de la Société française d’étude et traitement de la douleur (www.sfetd-douleur.org, rubrique Douleur puis Evaluation).
** Ces prescriptions se font parfois hors du cadre de l’AMM.
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