En 1999, le Dr Georges-Henri Melenotte, alors psychiatre libéral à Strasbourg, met en place chez quelques généralistes des plages horaires avec des psychologues et des travailleurs sociaux, pouvant être secondés par des psychiatres ou d’autres professionnels, pour mieux accueillir et aider les usagers de drogues, « ces gens qui ne comptent pour rien mais qui sont estimables ». Il prend conscience de l’intérêt d’un tel travail à trois voix, à une époque où le secteur libéral ne se bouscule pas pour prendre en charge ce type de patients parmi lesquels le SIDA fait alors des ravages.
Au fil des années, le concept des microstructures, dans lequel le médecin travaille en partenariat avec les autres intervenants, révèle son intérêt tant pour le patient que pour le praticien. Dès 2003, des études montrent que la réduction des addictions, alcool et drogues notamment, est plus marquée dans le cadre d’une microstructure que chez un médecin isolé. De plus, les médecins exerçant en microstructures sont régulièrement formés dans le cadre d’un réseau qui répond à leurs besoins. En outre, le travail de partenariat favorise une réponse plus large, la demande de soin devenant souvent une « porte » vers une prise en charge médico-sociale, notamment en matière de précarité et de santé mentale.
Une cinquantaine de structures
L’impact purement sanitaire est lui aussi quantifiable : des études menées entre le réseau des microstructures et le pôle de référence Hépatites des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg ont montré que 80 % des usagers de drogues suivis en microstructures ont accepté un dépistage du VHC, et que près de la moitié des patients dépistés ARN-VHC positifs ont pu être pris en charge, des chiffres meilleurs que pour les patients non suivis dans de telles structures.
Aujourd’hui, la France compte une cinquantaine de microstructures, essentiellement en Alsace et en Lorraine, mais aussi en Picardie et en région PACA. Réunies dans une coordination présidée par le Dr Mélenotte, elles sont adossées à des associations et des centres spécialisés comme les CSAPA, qui favorisent les échanges et les passerelles. Si les médecins restent payés à l’acte, les rémunérations des autres intervenants sont assurées par les ARS, avec des différences sensibles selon les régions : l’ARS d’Alsace soutient fortement les microstructures et en finance 16 à hauteur de 450 000 euros par an, mais la situation est beaucoup plus tendue dans le sud de la France. À l’issue du congrès, la MILDECA (Mission Interministérielle de lutte contre la drogue et les conduites addictives) a d’ailleurs manifesté son souhait de déployer plus de microstructures dans le cadre d’un nouveau plan d’action.
En Allemagne et en Belgique
Si les microstructures sont bénéfiques à la prise en charge, elles permettent aussi aux médecins de travailler plus efficacement : dans ce cadre, elles contribuent à revaloriser la mission des généralistes, face à des réponses autrefois très hospitalocentrées, et montrent l’intérêt de ce mode d’exercice. En 2013, une microstructure a vu le jour pour la première fois en Allemagne, juste en face de Strasbourg, avec d’ailleurs un généraliste français pour en assurer le fonctionnement. Le modèle se développe dans d’autres villes, en dépit des différences législatives portant notamment sur la remise de produits de substitution. En Wallonie (Belgique), un réseau est en train de voir le jour, mais se concentre actuellement, sur la formation des professionnels. Comme l’explique son président, le Dr Dominique Lamy, « les microstructures participent au réenchantement de la médecine générale, qui en a bien besoin, et préfigurent son nouvel avenir ». La microstructure illustre parfaitement le concept de soins primaires, soulignent les généralistes qui y participent et permet, selon le mot du psychiatre Pierre Poloméni, de « dispenser le soin plutôt que de le disperser ». Enfin, les activités de recherche du réseau permettent de mesurer plus précisément l’intérêt des modes d’exercice pluridisciplinaires sur l’addictologie, ou de comparer les modes de consommation, comme les prises en charge, en fonction du statut des patients et notamment de leur précarité.
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