DE NOTRE CORRESPONDANT
LE SYNDROME de l’intestin irritable, qui touche environ 20 % de la population dans les pays industriels, est une affection éminemment multifactorielle. On s’est beaucoup intéressé à la fonction de canaux ioniques entrant en jeu dans la détection des stimuli nociceptifs, en particulier les canaux calciques voltage-dépendants Cav3.1, Cav3.2 et Cav3.3. Les gènes de ce dernier ont pu être identifiés et l’on s’accorde à penser que le sous-type Cav3.2 a un rôle pro-nociceptif majeur dans les douleurs somatiques. Les chercheurs de Montpellier et de Clermont-Ferrand ont utilisé une approche de knock-down par antisens pour explorer cette fonction pro-nociceptive chez des rats à concentrations intestinales élevées en butyrate (couramment observées dans le SII*). Dans ce modèle expérimental, une hypersensibilité viscérale chronique est créée par des injections, dans le côlon des rongeurs, de butyrate de sodium.
La procédure de knock-down par antisens consiste à réduire de manière sélective l’expression d’une protéine donnée. Les Français montrent que la répression génique du canal Cav3.3 prévient l’hypersensibilité induite par le butyrate (diminution du seuil de distension colo-rectale) par rapport aux contrôles. Le blocage des canaux de type T par des agents pharmacologiques (mibéfradil et éthosuximide) a le même effet.
Par ailleurs, l’administration de butyrate induit une augmentation de l’amplitude des courants de type T au niveau des nocicepteurs du côlon. Cette action est sélective car elle concerne les courants de bas voltage (LVA), et non ceux de haut voltage (HVA). Le traitement de ganglions rachidiens dorsaux (DRG) par l’administration de 5 mM de butyrate pendant deux jours entraîne une régulation positive des canaux calciques de type T, et abaisse, en parallèle, le seuil du potentiel d’action des DRG.
L’équipe de Denis Ardid a ensuite voulu élucider le mécanisme de cette action. Diverses expériences excluent presque certainement l’intervention d’un processus d’ordre transcriptionnel. En revanche, la toxine bréfeldine A, un inhibiteur du transport des protéines du réticulum endoplasmique vers l’appareil de Golgi qui s’oppose aussi au trafic ionique membranaire, atténue fortement l’élévation des courants de type T. Cette observation suggère que le butyrate agit en augmentant le trafic ionique des canaux de type T, ce qui évoque plutôt un mécanisme post-translationnel.
La douleur viscérale.
Ces travaux français mettent donc en évidence, à l’aide de méthodes d’inactivation génique et de blocage pharmacologique, le rôle pro-nociceptif sélectif des canaux calciques Cav3.3 de type T dans la douleur viscérale, dans le contexte de l’hypersensibilité du côlon qui caractérise le syndrome de l’intestin irritable. Cette action semble s’exercer au niveau de la muqueuse colique comme à celui du ganglion spinal. Le « réveil » des nocicepteurs du côlon (silencieux chez le sujet normal) par ces canaux contribue vraisemblablement à l’hypersensibilité viscérale observée dans la maladie. La régulation positive des canaux calciques Cav3.3 apparaît ainsi comme un mécanisme direct (post-translationnel) de rôle majeur dans la douleur viscérale chronique et représente dès lors une cible prometteuse pour le développement d’analgésiques efficace dans le traitement du syndrome de l’intestin irritable.
F Marger, D Ardid et coll. T-type calcium channels contribute to colonic hypersensitivity in a rat model of irritable bowel syndrome. Proc Natl Acad Sci USA (2011) Publié en ligne
* Le butyrate étant produit par une flore intestinale butyrogène.
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