UN RENDEZ-VOUS du « quotidien » a été récemment organisé à Paris *, sur le thème « Prise en charge de la douleur : les nouvelles donnes ». De fait, en décembre 2008, la Haute Autorité de santé a publié des recommandations afin de mieux définir les rôles des médecins généralistes et des structures spécialisées dans la douleur, au sein du parcours de soin. Par ailleurs, à la suite d’un avis défavorable de l’agence européenne d’évaluation des médicaments, l’AFSSAPS a fait savoir en juin dernier qu’elle envisageait le retrait des spécialités pharmaceutiques contenant du dextropropoxyphène dans un délai d’un an. L’occasion pour le Dr Alain Serrie, chef du service de médecine de la douleur, médecine palliative et urgence céphalées à l’hôpital Lariboisière, de revoir les points clés de cette prise en charge. En premier lieu, il a ainsi été rappelé l’importance d’effectuer un bilan préthérapeutique. L’évaluation de l’intensité douloureuse est notamment capitale pour prescrire d’emblée un antalgique adapté au niveau douloureux. Parmi les échelles disponibles, il faut recourir aux plus simples, les moins consommatrices de temps, en l’occurrence l’échelle visuelle analogique (EVA), l’échelle numérique ou l’échelle verbale simple. Cette évaluation, qui représente une photographie de l’état douloureux d’un patient à un moment donné, doit être notée dans le dossier de façon à pouvoir s’y référer ultérieurement. Elle a de plus l’avantage d’offrir un langage commun aux médecins de ville et aux médecins hospitaliers.
« Il faut cependant savoir, souligne le Dr Alain Serrie, qu’environ 15 % des patients ne comprennent pas bien le maniement de l’EVA et qu’il est aussi utile de conforter le résultat obtenu en l’encadrant de questions subsidiaires ». Ainsi, après avoir demandé au patient « à quel niveau se trouve votre douleur en ce moment sur une échelle de 1 à 10 ? », il est également informatif de lui poser la même question pour les dernières 24 heures, et encore « à quel niveau se situait la douleur la plus intense que vous ayez éprouvée lors de ces dernières 24 heures et de la dernière semaine ». Parallèlement, l’estimation du niveau douloureux de situations ayant déjà été ressenties par le patient (règles, douleurs postopératoires ou post-fracturaires, etc.) permet de l’aider à relativiser l’intensité de sa douleur actuelle, en s’appuyant sur le souvenir d’expériences douloureuses plus anciennes.
Autre point à ne pas négliger : la cotation doit être faite à chaque fois avec le même outil et en posant les mêmes questions.
Douleurs nociceptives et neuropathiques.
Dans le cas des douleurs d’origine nociceptive, la connaissance du niveau d’intensité douloureuse, permet alors de prescrire la classe thérapeutique adéquate immédiatement. L’OMS a en effet défini trois paliers d’intensité douloureuse qui, chacun, doit conduire à un choix thérapeutique spécifique d’emblée. Par exemple, si une douleur cotée à moins de trois sur l’EVA doit bénéficier d’un antalgique non opioïde comme le paracétamol ou un anti-inflammatoire non stéroïdien, une douleur située entre 3 et 6 doit faire recourir d’emblée à un antalgique de palier 2, c’est-à-dire à un opioïde faible souvent associé au paracétamol, de façon à obtenir un effet synergique. Quant aux douleurs plus intenses, cotées à plus de 6, elles justifient la prescription d’un morphinique (palier 3) sans passer par les étages inférieurs.
Les douleurs neuropathiques réclament une approche différente : il est donc important de les identifier. Si ce mécanisme peut apparaître évident devant un zona, d’autres situations sont plus trompeuses, ce d’autant que douleurs nociceptives et neuropathiques peuvent s’intriquer à l’origine de douleurs mixtes, comme c’est le cas dans certaines douleurs radiculaires liées à une hernie discale. Il semble également aujourd’hui qu’un certain nombre de lombalgies répondent à ce double mécanisme. Or, explique le Dr Alain Serrie, « lorsque l’on y pense, le diagnostic est facile puisqu’il ne nécessite que l’interrogatoire, le bout du doigt et un trombone ». Les caractéristiques de la douleur, continue, à type de brûlure, de décharge électrique ou de froid douloureux, associée à des troubles subjectifs et objectifs de la sensibilité, qui peuvent être facilement recueillis grâce au questionnaire DN4, signent en effet le caractère neuropathique. Cette identification a des répercussions en termes pronostiques – une douleur neuropathique accompagnée de troubles sensitifs et moteurs, consécutive à un conflit discoradiculaire, pourra ne pas récupérer totalement car, même si l’obstacle est levé chirurgicalement, le contingent de fibres détruit ne pourra être réparé – et aussi thérapeutiques. La stratégie repose alors en effet sur d’autres classes de médicaments, les antidépresseurs et les antiépileptiques, sous réserve de bien expliquer au patient le pourquoi de leur prescription dans cette indication, ainsi que sur des approches non pharmacologiques.
Savoir réévaluer.
Dans tous les cas, la réévaluation de l’intensité et du mécanisme de la douleur est également importante. Ainsi chez un patient traité initialement pour une douleur nociceptive et pour qui le niveau d’antalgie n’est plus atteint, il faut savoir envisager un sous-dosage thérapeutique ou le développement d’une composante neuropathique. Autre exemple, chez un patient cancéreux sous morphinique pour des douleurs très intenses, la mise en route d’une radiothérapie ou d’une chimiothérapie doit faire rapidement diminuer les doses de morphine ou recourir à un médicament de palier 2, sous peine de voir apparaître un surdosage.
* Avec le soutien institutionnel des Laboratoires Grünenthal.
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