Une articulation qui a su se faire oublier
La participation de la SI dans la survenue ou l’entretien de douleurs lombofessières, était, encore récemment, souvent scotomisée, pour cinq raisons :
1. l’articulation SI « stricto sensu » ne bouge que très peu en dehors de circonstances extrêmes comme la fin de grossesse (la principale raison d’être de la SI est de faciliter l’accouchement) ;
2. les tests infiltratifs à visée diagnostique sont de pratique délicate, car il est souvent difficile d’insérer l’aiguille, si bien qu’il faut impérativement vérifier par une injection d’iode que le positionnement est bien intra-articulaire pour pouvoir interpréter ces tests. Il faut aussi s’assurer de l’absence de fuite dans les racines nerveuses de voisinage (L4, L5, S1), phénomène fréquent (25 %) qui peut faire évoquer à tort une origine SI alors que la douleur est due à une sciatique ou cruralgie atypique. Par ailleurs ces blocs SI n’ont une franche valeur diagnostique que si deux injections espacées de quelques jours soulagent nettement les symptômes (réponse placebo parfois forte à un premier bloc) ;
3. les examens d’imagerie sont souvent (très) en retard par rapport aux signes cliniques ;
4. chaque signe clinique pris isolément n’a que très peu de valeur ;
5. les conséquences thérapeutiques d’un diagnostic de douleur SI seraient minimes.
Ce qui a changé
1. Concept de SI « lato sensu »
Longtemps ignorés, car non vus sur les radiographies, des ligaments font partie intégrante de l’entité fonctionnelle SI. D’ailleurs, la surface occupée sur l’aile iliaque par les insertions ligamentaires (au dessus ou en arrière du cartilage articulaire), est supérieure à la surface de l’articulation stricto sensu. Ces ligaments peuvent être source de douleurs, en particulier lors des grossesses, et d’autant plus facilement qu’ils sont mis en tension bien avant que la SI stricto sensu ne « bouge » (ce qu’elle ne fait que très peu). Il s’agit surtout des ligaments ceinturant la SI à sa face postérieure (dont le ligament SI postérieur long qui se poursuit vers le bas par le sacro-tubéral puis la corde des ischio-jambiers), et des ligaments tendus de la face antérieure de la SI au rachis (expansions des ligaments iliolombaires).
2. Pratique des blocs SI.
La possibilité d’infiltrer l’articulation mais aussi les ligaments postérieurs et l’extrémité iliaque des iliolombaires sous guidage IRM ou scanner, voire (par des opérateurs déjà entraînés) sous échographie (pratique durant les grossesses), peut aider à attribuer à la SI lato sensu des douleurs que la négativité des infiltrations faites en intra-articulaire strict n’aurait pas permis de rattacher à la SI stricto sensu.
3. Meilleure sensibilité de l’imagerie.
Si la radiographie est très en retard sur la clinique, les nouvelles générations de TDM et surtout d’IRM, peuvent permettre de voir certains ligaments et de dépister plus tôt des anomalies, en particulier la présence de zones d’œdème sous-chondral de part et d’autre de la SI. La présence de telles zones d’œdème (souvent vues seulement sur des séquences STIR avec injection de Gadolinium) doit en effet faire évoquer une sacro-iliite et donc une spondylarthrite. Toutefois, ce signe n’est ni indispensable (les anomalies IRM peuvent n’apparaître que tardivement), ni pathognomonique d’une sacro-iliite inflammatoire (certaines arthroses sacro-iliaques ou ostéoses condensantes, qui seront mieux reconnues elles sur le scanner ou la simple radiographie, peuvent induire de même aspects IRM qu’une sacro-iliite débutante).
4. Optimisation de l’examen clinique de la SI.
Plus de 35 manœuvres ont été proposées, mais aucune n’a isolément de bonne valeur. L’examen clinique garde toutefois tout son intérêt, mais à condition :
- d’éliminer autant que possible une pathologie rachidienne (mobilisation du rachis sans faire trop bouger la SI) ;
- de combiner les 5 manœuvres les plus fiables (photos) et de ne retenir comme probable une origine SI que si 3 d’entre elles au moins réveillent bien la douleur connue du patient (sensibilité et spécificité d’alors environ 90 %) ;
- De pratiquer correctement ces 5 manœuvres, c’est-à-dire en appuyant assez fort (environ 20 kg de pression), et assez longtemps (environ 20 secondes), pour que la douleur ait le temps d’apparaître (ou de se majorer).
5. Conséquences thérapeutiques du diagnostic de douleur SI.
Certains travaux ont suggéré que jusqu’à 20 % des lombalgies mécaniques auraient une origine SI. Ce chiffre est sans doute (très) exagéré, et il n’y a pas encore de preuves de qualité scientifique que des techniques manipulatives aient une efficacité autre que placebo (le concept de blocage SI n’a pas non plus pu être validé). Néanmoins, outre de très rares indications d’arthrodèses, la reconnaissance d’une origine SI à des lombo-fessalgies mécaniques peut permettre d’éviter des chirurgies rachidiennes inutiles, ou conduire à la pratique d’infiltrations d’efficacité parfois assez durable si la douleur provient surtout des structures ligamentaires (sacro-iliaque « lato sensu »), ainsi qu’à une ré-équilibration posturale.
Spondylarthrite
Enfin, en présence d’une douleur de rythme inflammatoire, l’attribution de la lombalgie ou de la sciatalgie nocturne à la SI, rend hautement probable le diagnostic de spondylarthrite chez un sujet jeune, ceci devant conduire à la pratique d’une IRM (séquence STIR avec injection de gadolinium), pour visualiser des œdèmes, en principe requis pour instituer des traitements par anti-TNF (même si le diagnostic de spondylarthrite peut être posé sans qu’une sacro-iliite ait été certifiée).
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024