« Nous pensions vraiment qu'il y aurait un après-crise après la pandémie. Mais dès le 11 mai, nos bureaucrates sont revenus avec leurs petits tableaux de bord pour reprendre leurs petites économies là où elles étaient », commente Thierry Amouroux, porte parole du Syndicat national des professionnels infirmiers. Résultat, 5 700 lits ont été fermés en 2020. « Nous sommes le seul pays au monde à avoir fermé des lits en période épidémique. »
Covid, maladie professionnelle
La deuxième fracture selon lui entre les soignants et le monde de l'hôpital est le refus de reconnaître en maladie professionnelle les soignants victimes de la Covid : 85 000 personnels à l'hôpital et 55 000 en Ehpad ont été touchés par la maladie et pourtant au 26 novembre 2021, seuls 1 690 dossiers ont été reconnus par les caisses primaires.
Ségur, une déception
La troisième fracture est survenue pendant l'été suite aux revalorisations du Ségur qui ont déçu les soignants, à tel point que le nombre de postes vacants d'infirmiers est passé de 7 500 en juin à 34 000 en septembre et à 24 000 postes vacants d'aides-soignants. Plus tard, en juin 2021, à l'AP-HP, sur 17 500 postes infirmiers, il y a 3 100 départs, 1 835 recrutements et il reste depuis lors 1 300 postes vacants. « Plus il y a de départs, plus les conditions de travail se dégradent et plus ces dernières se dégradent, plus vous avez de nouveaux départs. C'est un cercle infernal », commente le syndicaliste.
Postes vacants
Et d'égréner des chiffres et les études : il existe 30 % de postes vacants chez les praticiens hospitaliers et parfois 40% dans certaines spécialités ; la France compte 10 infirmières pour 13 en Allemagne, mais avec 30 % d'administratifs en moins. 180 000 infirmières ont cessé d'exercer. Tous ces chiffres assortis de témoignages ont été livrés par les représentants de syndicats hospitaliers le 9 décembre lors de leur audition par la commission d'enquête relative à la santé et à la situation de l'hôpital en France du Sénat.
Problème d'organisation
La première raison du mal-être, ce sont les conditions de travail, insiste le Pr Patrick Goudot, vice-président de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Deuxième motif, « trop de services ont des tailles trop importantes, analyse le professeur, avec un chef de service, deux médecins, des internes et une équipe de paramédicaux, mais sur une dimension petite. Au final, dès que l'un d'entre eux est absent, tout tombe ».
Un historique lourd
Au-delà de l'organisation et du manque de moyens, Jean-François Cibien, président d'Avenir hospitalier, rappelle l'historique de l'hôpital : numerus clausus qui a restreint le nombre de médecins, loi HPST qui donne l'autorité au seul directeur d'hôpital, féminisation des personnels, suradministration du système hospitalier, sans parler, assène-t-il « des six semaines d'esbrouffe du Ségur de la Santé ». De plus, le fossé s'est creusé en termes de financement entre la ville et l'hôpital au cours des 20 dernières années. Entre 2004 et 2005, l'Ondam laisse apparaître un différentiel de 1,3 milliard entre les deux, au bénéfice de la ville. Entre 2019 et 2020, il est de 11 milliards. Au total, sur les 15 dernières années, il manquerait 150 milliards d'euros sur le budget hospitalier, commente Jean-François Cibien. Ce qui crée du déficit hospitalier. Conclusion du professeur, l'Etat devrait prendre en charge cette dette et réévaluer le budget hospitalier a minima de 15 milliards par an.
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