S’il est désormais possible de se faire vacciner en cabinet, en officine, dans des centres de vaccination, des mégacentres ou même maintenant à domicile ; c’est aussi le cas dans les services de santé au travail (SST). Et, depuis lundi, la vaccination est ouverte à toute personne ayant plus de 50 ans et depuis ce mercredi, à toute personne majeure – sous réserve qu’un créneau de centre de vaccination n’ait pas trouvé preneur – un véritable bond en avant dans la campagne, qui devrait également se traduire dans le monde de l’entreprise.
La ministre du Travail Élisabeth Borne a annoncé début mai que 100 000 doses de vaccins AstraZeneca seront réservées ce mois-ci à la médecine du travail, laquelle expérimentera également Moderna dans « une bonne vingtaine de services de santé au travail » à partir du 25 mai pour toutes les personnes âgées de 50 ans et plus, ainsi que celles âgées de 18 ans et plus avec une comorbidité ou vivant auprès de personnes vulnérables, a indiqué mardi le secrétariat d’État chargé de la santé au travail. Ainsi « 30 000 doses ont été réservées pour cette expérience pilote », menées par des services volontaires dans différentes régions qui « s’engagent à injecter un certain nombre de doses en deux semaines », a ajouté le secrétariat. Les SST ont également la possibilité de vacciner avec le vaccin Janssen du laboratoire Johnson & Johnson.
Seulement 63 000 injections
Ces annonces font suite à l'inédit consensus trouvé entre Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT et Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef, lesquels réclamaient plus de vaccinations en entreprise. En effet, au 5 mai : seules 63 000 injections ont été réalisées auprès de salariés volontaires et éligibles. Un chiffre faible, d'autant plus que les salariés seraient, selon une enquête réalisée pour la CFDT par l'institut Kantar publiée la semaine dernière, 85 % à se dire favorables à la mise en place d'un dispositif de vaccination sur leur lieu de travail.
Les récentes annonces gouvernementales n'ont pas de quoi enthousiasmer le Dr Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat National des Professionnels de la Santé au Travail (SNPST) pour autant. « Pour l’instant on n’en voit pas la couleur. Le problème c’est qu’aujourd’hui, dans les services de santé au travail, la vaccination est un fiasco. » Pourquoi ? Le médecin du travail développe, amer. « Le ministère prend des décisions sans aucune concertation. La vaccination demande une logistique particulière, que les salariés soient prévenus, puis qu’ils s’enregistrent sur notre portail, avant de s’organiser pour se faire vacciner. Certaines entreprises n’ont pas transmis l’information à leurs salariés. »
Rejet d'AstraZeneca
Le Dr Sterdyniak évoque les différentes restrictions qui créent un manque de candidats : pas de vaccin ou un seul et unique flacon par médecin, le public prioritaire trop large… Et la mise à disposition essentiellement du vaccin d’AstraZeneca. « Il y a un véritable rejet de ce vaccin compte tenu de la communication peu claire du gouvernement. Nous sommes victimes de “l’effet AstraZeneca” . Aujourd’hui, beaucoup de généralistes ne veulent plus vacciner avec AstraZeneca, non pas à cause des effets secondaires, mais à cause de leur moindre activité sur les variants. »
Aussi, ajoute-t-il, la question du calendrier de vaccination est absurde. « D’un point de vue pragmatique, si on utilise un vaccin AstraZeneca aujourd’hui et, conformément aux recommandations de la HAS, nous faisons la deuxième dose douze semaines après, cela nous place en août… Quand les entreprises seront fermées. »
« Pas les moyens de réussir »
À titre personnel, le praticien basé en Seine-Saint-Denis n’a vacciné que onze personnes depuis l’ouverture de la vaccination au monde du travail le 9 avril. « On nous a envoyé une circulaire mi-février pour nous informer que nous pouvions vacciner, mais nous n'avons été livrés qu'à partir du 8 avril. Nous avons commencé dès le lendemain. » Il n’a aujourd’hui que six candidats dans son périmètre, mais ne peut pas les vacciner car il en attend quatre autres pour finir son flacon de dix injections. « C’est un échec. Nous n’avons pas les moyens de réussir. Il y a beaucoup d’effets d’annonce. Si on voulait vraiment nous permettre de réussir cette campagne, il faudrait nous donner du Pfizer et Moderna et pouvoir vacciner tout le monde. »
S’il compare la vaccination en entreprise – ou en cabinet – avec celle au Stade de France, proche de son lieu de travail, le Dr Sterdyniak fait les comptes : « Avec un flacon par médecin par semaine, cela ne fait pas plus de dix injections, soit 40 par mois ; au Stade de France, on en fait 10 000 hebdomadaires… » Le médecin en est presque blasé : « Une fois de plus, c’est nous qui prenons des coups pour notre faible taux de vaccination… Mais encore faut-il voir pourquoi… »
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