Après un premier examen en commission des Affaires sociales, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2023 (PLFSS) arrive à l’Assemblée nationale ce jeudi 20 octobre. Comme chaque année, les amendements ont été nombreux et d’autres devraient encore fleurir au fil des différentes navettes parlementaires.
Au-delà des mesures déjà prévues par le texte de départ, plusieurs amendements adoptés en commission des Affaires sociales concernent directement ou indirectement les médecins de villes. Pas toujours portés par la majorité, ils promettent des débats agités dans l’hémicycle, où le gouvernement doit composer avec un rapport de force plus précaire que les années précédentes.
L’accès aux soins étant le sujet de préoccupation principal des parlementaires côté santé, plusieurs amendements ciblent des mesures permettant de l’améliorer. Revue des mesures adoptées en commission qui vont alimenter les débats à venir.
• Suppression des cotisations pour les médecins en cumul emploi-retraite
Permettre aux médecins de travailler plus longtemps est l'un des premiers axes. Pour faciliter la poursuite d’activité des médecins retraités, la commission des Affaires sociales a adopté un amendement déposé par Philippe Juvin (Les Républicains) qui permet aux médecins bénéficiaires d’une pension de vieillesse, qui continuent l’exercice libéral, d’être exonérés de cotisations retraite auprès de la Carmf. « La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés à l’accise sur les tabacs », précise l’amendement.
• Accès direct aux IPA
Plusieurs amendements identiques déposés par des députés de la majorité Renaissance mais aussi du groupe Modem, Horizons ou socialiste, propose d’expérimenter l’accès direct aux infirmiers en pratique avancée (IPA) sans prescription médicale dans le cadre des structures d’exercice coordonné.
« Cet amendement propose d’ouvrir l’accès direct aux IPA afin de leur permettre de prodiguer des soins primaires sans prescription médicale sur des pathologies bénignes qui ne nécessitent pas un passage par les services d’urgences, en plus de pouvoir prodiguer, sur demande d’un médecin traitant, des soins sur des patients affectés d’une pathologie chronique », détaille le texte. Un compte rendu des soins réalisés par l’infirmier en pratique avancée est adressé au médecin traitant et reporté dans le dossier médical partagé. Un décret de la HAS, d’ici octobre prochain, devra préciser les modalités de mise en œuvre. L’expérimentation touchera trois régions au maximum. « Les patients pourraient être orientés vers l’IPA par le service d’accès aux soins (SAS) ou le secrétariat de la structure dans le cadre d’un exercice collectif », avance les députés.
Mais cet amendement pourrait être retoqué à l’Assemblée au profit d’un prochain projet de loi, peu ou prou similaire, que Stéphanie Rist (Renaissance) a annoncé pour fin novembre.
• Certificat de décès par les infirmiers
La rapporteure Stéphanie Rist a déposé et fait adopter un amendement pour déployer une expérimentation pour autoriser les infirmiers à signer les certificats de décès. Aujourd’hui seuls les médecins en activité ou retraités et les internes sont autorisés à établir des certificats de décès.
Pour la rémunération de ces infirmiers un forfait devra être fixé et il sera financé par le fonds d’intervention régional (FIR), précise l’amendement.
Pour ce qui est de s’appuyer sur les autres professionnels de santé pour faire face à la baisse de la démographie médicale, le gouvernement vient également de déposer, avant l’examen, à l’Assemblée nationale un amendement pour ouvrir la permanence des soins ambulatoires aux infirmiers, sages-femmes et chirurgiens-dentistes.
• Un jour par semaine en désert
Envoyer ponctuellement les médecins des zones surdotées en zones sous-dotées, c’est la proposition portée par des députés aussi bien de la majorité, du centre ou de gauche. Une nouvelle fois, la mesure prendrait la forme d’une expérimentation pour trois ans.
« Les médecins, installés dans des zones où le niveau de l’offre de soins est satisfaisant voire élevé, consacrent une partie de leur temps à des consultations réalisées dans des territoires où il en manque », explique le texte.
C’est l’Ordre qui serait chargé d’organiser cette obligation pour les généralistes et autres spécialistes. « Ainsi, un médecin installé dans une agglomération bien dotée, en établissement ou en ville, pourrait exercer son activité un jour par semaine par exemple dans un territoire sous-doté en médecins, dans le même département ou dans la même région ». En complément de la rémunération à l’activité, un forfait financé par le FIR serait versé aux médecins concernés.
• Conventionnement sélectif
Les amendements au PLFSS proposant le conventionnement sélectif des médecins sont presque une tradition, mais ils ne passent généralement pas le stade de la commission. Cette année, même s’il a des grandes chances d’être retoqué à l’Assemblée, un amendement du groupe Les Républicains a été adopté.
« La présente proposition de loi vise à étendre aux médecins libéraux un dispositif de régulation à l’installation qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé (…) Elle prévoit que, dans des zones définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux dans lesquelles existe un fort excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne peut s’installer en étant conventionné à l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cesse son activité », détaillent les députés.
• La téléconsultation circonscrite aux MSP et officines
Pour « éviter les abus et répondre aux attentes des patients », plusieurs députés Les Républicains ont fait adopter un amendement qui stipule que les actes de téléconsultation doivent être réalisés par le biais d’une MSP, d’une officine ou d’une collectivité, « afin de garantir un meilleur encadrement de cette pratique ».
• Définir le contour des consultations de prévention
Annoncé dans l’article 17 du PLFSS le contour des futures consultations de prévention à trois âges clés de la vie reste encore flou. Plusieurs amendements adoptés en commission visent donc à spécifier les sujets qui devront y être abordés.
Pour les patients atteints ou ayant été atteints de cancer elles devront ainsi s’adapter à leurs besoins spécifiques. « Ces consultations peuvent donner lieu à un bilan des besoins des patients en matière de soins de support », précise ainsi l’amendement.
Ces rendez-vous de prévention doivent aussi être le lieu, selon plusieurs ajouts des députés : du repérage des violences sexistes et sexuelles, d’une prévention en santé mentale ou d’une attention particulière « aux évènements de santé des femmes telle que la ménopause ».
• Déremboursement des cures thermales
Aujourd’hui les cures thermales sont remboursées par l’Assurance maladie sur prescription médicale et pour certaines pathologies. Un amendement déposé par Thomas Mesnier (Horizons), propose de revenir sur ce remboursement en le conditionnant à l’évaluation par la HAS de leur service médical rendu.
« S’assurant de l’efficacité médicale des cures thermales remboursées, la Sécurité sociale ne prendra plus en charge les soins que la Haute Autorité de Santé juge suspects ou infondés ».
• Prolongation de l’expérimentation sur le cannabis médical
L’expérimentation sur le cannabis médical lancée en 2020 n’a pas pu encore produire de résultats cliniques suffisants. Les députés proposent donc de la prolonger. Alors que certains souhaitaient une prolongation de trois ans, la rapporteure Stéphanie Rist a fait adopter un amendement qui propose une prolongation d’un an. Cela porterait la durée totale de l’expérimentation à trois ans.
Au-delà des amendements adoptés en commission qui donne déjà une tendance des sujets brûlants, le gouvernement a d’ores et déjà déposé d’autres amendements en vue des discussions à l’Assemblée.
• Médicaments, recul du gouvernement
Plusieurs mesures du budget prévues sur les médicaments avaient provoqué une fronde des industriels. Par plusieurs amendements le gouvernement a fait marche arrière sur cette thématique. Le PLSS prévoyait notamment d’introduire un mécanisme de référencement consistant à sélectionner et rembourser quelques médicaments seulement pour une classe thérapeutique donnée, et donc à dérembourser ceux qui n'ont pas été retenus.
Finalement, le gouvernement se donne jusqu’à juillet pour remettre au Parlement un rapport évaluant la faisabilité du dispositif selon un amendement déposé par le gouvernement. Un autre amendement modifie aussi la proposition de modification de la clause de sauvegarde. Ce système complexe prévoit que les laboratoires versent une contribution à l'Assurance maladie lorsque leur chiffre d'affaires dépasse un niveau fixé par la loi de financement de la Sécu.
La quatrième année en question
L’ajout d’une quatrième année au DES de médecine générale est un des articles les plus en vue du PLFSS 2023. Il sera à coup sûr très débattu à l’Assemblée. Pour l’instant, les seuls amendements adoptés en commission se contentent de préciser que cette quatrième année devra se faire, sous supervision, dans le même bassin de vie, que des facilités de logement et transports et une rémunération à la hauteur doivent être discutées, ou qu’elle doit pouvoir permettre la découverte des CPTS.
Parallèlement, alors même que la mesure est déjà prévue dans le budget de la sécu, le Sénat vient d’adopter la proposition portée par Bruno Retailleau de création d’une 4e année d’internat.
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes