Courrier des lecteurs

Une loi santé scélérate

Publié le 21/03/2019

Non, chère Agnès « chère collègue » AIHAPHP*,

Cette loi est une loi scélérate qui sans le dire va étatiser voire nationaliser la santé. Elle est trop centralisatrice avec les GHT et les CPTS pour mettre sous le boisseau toute la médecine libérale. Sans elle, tout va s'écrouler !

En moins de dix ans, ce sera la quatrième loi santé que le Parlement va adopter. Des milliers d'amendements sont déposés. La plupart sont contraignants et s’ils sont adoptés seront contre productifs : stages obligatoires dans les déserts, conventionnement sélectif, encadrement des dépassements, délégations aux pharmaciens et aux infirmières…

«Je repousserai toute mesure coercitive à l'installation » dit, comme vous, Thomas Mesnier, rapporteur, mais qui peut encore vous croire ? Les députés « godillots » les voteront car cela plaira au peuple !

Nos concitoyens ne sont pas conscients que les quatre lois santé (2002/2009/2016/et Ma santé 2022) étatisaient à grande vitesse le système. Sans les libéraux – que les énarques veulent salarier — tout l’édifice risque se désintégrer ! L’Institut Santé fondé par Frédéric Bizard prépare un contre projet pour le Sénat pour essayer d’en corriger les effets pervers. Quatre groupes d’acteurs sont à l’origine de la crise et participent à cet effondrement : les patients, les jeunes médecins, les assureurs et l’État.

Que veut le patient ?

Le patient veut certes être guéri, mais si possible sans délais, sans séquelle, sans cicatrice, sans erreurs… et sans attendre ! Grâce au web, il sait tout et il peut contester sans frais sur le plan médico-légal si cela ne se passe pas bien ! Cela perverti tous le système.

Que veulent les jeunes médecins ?

Harassés par les tutelles et les normes, les médecins veulent dormir et bénéficier des mêmes congés et RTT que les autres… profiter des week-ends et des vacances et ne pas travailler plus de 45h par semaine ! Gagner leur vie correctement et profiter de la famille. Enfin partager leur responsabilité avec les autres soignants et être professionnellement reconnus.

Par quelle perversion notre métier, soi-disant sacerdoce en est arrivé là ; et pourquoi le patient soi-disant objectif central de notre intérêt est-il devenu virtuel ? Par le fait des règlements, de la judiciarisation et de la dilution des responsabilités à travers les réunions de concertations… des randomisations des études et des accréditations et certifications diverses !!!

Que veulent les assureurs ?

La Sécu est prisonnière de l'ONDAM et les complémentaires de leurs actionnaires. Elles font tout pour ne pas payer plus de remboursements, en particulier pour les honoraires des médecins… Mais le coût de gestion des complémentaires santé est de 7,3 milliards d'euros, se rapproche rapidement de celui de l'assurance maladie (7.8 milliards d'euros) alors que leur budget est 12 fois moindre. Cotisations Sécu = 440 Mds€, complémentaires = 35 Mds€. Déficits Sécu (214 Mds€ cumulés)

Que veut l’État ?

L'État veut gérer la pénurie et limiter les dépenses en sacrifiant les soignants grâce à la robotique, à l’informatique, à l'IA et aux datas. Sa bureaucratie étouffe le système de santé. « Dégraissons le mammouth » comme l’ont fait les Québécois ! Utiliser la toute-puissance du big data, l'intelligence artificielle et la e-santé ? Je crains qu'ils ne soient des chevaux de Troie, des ogres modernes qui feront exploser notre modèle.

La désintégration du système est-elle inéluctable, face aux lois santé qui étatisent, à la pluie d’amendements aberrants déposés de façon démagogique par des députés ignorants et à la puissance des GAFAS pour lesquelles la e-santé est une manne financière considérable et qui participent avec les lobbies de l’e-médecine à ce désastre.

Le système doit marcher sur ses deux jambes, libérale et hospitalière pour être efficace mais l’hôpital est en crise car sur administré et la jambe libérale va être amputée. C'est la fin du suspense de « Ma santé 2022 » : cette loi ne veut plus de la médecine libérale.

Les députés ont adopté en commission des Affaires sociales le principe d'un stage obligatoire situé en zones sous-dotées pour les étudiants en médecine, lors du deuxième cycle des études médicales, qui conditionnerait l'accès à l'internat. Mais un futur chirurgien ou radiologue y perdrait son temps ! Qui payera les trajets le logement et la nourriture ? On est dans la pure démagogie stérile et utopique comme la fin du NC qui n'aurait d'effets que dans dix à douze ans. Ouvrez les yeux ou reconnaissez que vous voulez tuer ce qui reste de libéral en médecine !

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Dr Bernard Kron, Membre de l'Académie nationale de chirurgie, Vice-président de l'Internat de Paris, *AIHAPHP

Source : Le Quotidien du médecin: 9734