La loi « Rist » sur l’accès direct aux paramédicaux peut-elle présenter un danger pour les patients ? En attendant les textes d’application de cette loi, l’Académie nationale de médecine (ANM) a pointé du doigt cette semaine les risques de prescription sans diagnostic médical. Très remontée, la rapporteure de ce texte, députée de la majorité présidentielle et rhumatologue, Stéphanie Rist riposte ce vendredi en exclusivité dans Le Quotidien, accusant l’Académie d’hypocrisie, de passéisme et de donner des avis « subjectifs ».
LE QUOTIDIEN : La loi Rist a été promulguée le 19 mai 2023. Depuis, les professionnels de santé attendent les décrets d’application. Avez-vous une idée du calendrier ?
STEPHANIE RIST : J’en discutais ce matin avec les ministères concernés : je peux vous dire que c’est vraiment dans les starting-blocks pour sortir. Dans les jours ou les semaines à venir. Très vite !
L’Académie de médecine vient d’alerter sur l’extension de l’accès à des examens et thérapeutiques sans prescription par un médecin, évolution inscrite dans votre loi. Comment prenez-vous ces critiques ?
De deux façons. D’une part, c’est une véritable hypocrisie de la part de l’Académie de médecine, qui ne regarde pas ce qu’il se passe dans les pays étrangers, au prétexte d’une exception française tournée vers le passé. D’autre part, je crois qu’au contraire, il faut accélérer sur ces questions, en raison de la démographie médicale et de l’augmentation des besoins de santé, qui rendent ces dispositions nécessaires. C’est mon rôle de femme politique !
Sur le fond, ça me rend folle, car je continue à consulter toutes les semaines, alors que certains qui écrivent ces textes ne sont plus en activité. D’autant plus que les études montrent qu’avec la pratique avancée ou l’accès direct aux kinésithérapeutes, il y a un meilleur accès aux soins. Je ne peux pas cautionner ces discours dans un contexte de désertification médicale.
Mais quid des risques de sécurité des soins et de contentieux juridiques des prescriptions non médicales ?
Sincèrement, je ne comprends pas cette peur. La responsabilité appartient au professionnel de santé en accès direct concerné. Elle est bien établie ! Cette crainte est très théorique, car sur le terrain, les médecins qui travaillent avec des infirmiers en pratique avancée l’ont tous levée ! Dans le Sud, où j’ai rencontré des IPA en psychiatrie ou dans ma circonscription, où des généralistes travaillent en cabinet avec eux, ils disent tous la même chose. Leurs conditions de travail se sont améliorées et ils ont le sentiment de mieux soigner leurs patients. Bref, on ne fait pas n’importe quoi : ces professionnels de santé sont formés et titulaires de diplômes reconnus.
Vous avez porté de nombreux textes ou amendements qui ont visé à faire monter des non-médecins en compétences et à déléguer des tâches aux paramédicaux. Pourtant, les médecins semblent toujours réticents. Les comprenez-vous ?
Ce ne sera plus un sujet dans dix ans. Quand de nombreux médecins seront partis à la retraite et que ceux en exercice travailleront nécessairement avec des paramédicaux, on constatera une amélioration. Le sujet n’est pas tant celui de la pratique avancée, ni un bouclier pour ne pas s’occuper des autres problématiques. Par exemple, la reconnaissance financière et de la place du médecin généraliste dans le système de santé sont très importantes. Ce n’est pas qu’une histoire de rémunération, il faut voir comment redéfinir son expertise, avec une reconnaissance juste. Mais ce n’est pas parce qu’ils vont mal, qu’il faut déconsidérer la pratique avancée. Au contraire.
Les institutions médicales, comme l’Académie ou l’Ordre des médecins, sont souvent pointées du doigt pour leurs positions conservatrices, notamment sur l’évolution du métier. Pensez-vous qu’il faut les réformer ?
Je fais une distinction entre l’Ordre, l’Académie et les syndicats. Chacun est dans son rôle et je respecte les avis de chacun. Mais pour moi, nous avons tous, à notre place, une responsabilité sur les défis à venir. Je regrette que l’Académie de médecine donne des avis subjectifs qui ne sont pas scientifiques. Dans le cas contraire, ils auraient évoqué l’étude de la revue Cochrane de 2018 ou d’autres parues dans le Jama, qui montrent une amélioration des soins, grâce à la pratique avancée.
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