Aussitôt dit, presque aussitôt fait ! Annoncé mi-mai par Emmanuel Macron et Olivier Véran, le « Ségur de la santé » a été officiellement lancé ce lundi par le gouvernement. Après deux mois de lutte intense des soignants pour endiguer l’épidémie de coronavirus, cette vaste concertation vise notamment à améliorer leurs conditions de travail, leurs rémunérations — notamment celle des infirmières — ou encore la prise en charge des malades.
Premier rendez-vous entre les médecins libéraux et Véran mardi
Au total, près de 300 personnes devraient participer à ce « Ségur de la santé », du nom de la rue où est implanté le ministère. Parmi eux : des représentants des hôpitaux, mais aussi des Ehpad, des établissements médico-sociaux et de la médecine libérale. Après avoir participé ce lundi à une visioconférence avec Édouard Philippe et Olivier Véran, les syndicats de médecins de ville participeront à une première réunion mardi au ministère de la Santé.
Ce chantier lancé par le gouvernement devrait durer plusieurs semaines. L’objectif est de « tirer les conclusions » de ces concertations « au plus tard à la mi-juillet », a prévenu Olivier Véran, qui souhaite inscrire certaines des mesures retenues dans le prochain budget de la Sécurité sociale, présenté fin septembre.
Inquiétude des médecins de ville
Le délai annoncé par le ministre ne va pas sans susciter des inquiétudes. « Si tout doit être bouclé d'ici au 15 juillet, les marges de manœuvre vont être très limitées pour la négociation », regrette auprès de l'AFP un responsable syndical. Les représentants de la médecine de ville ont en ce sens du souci à se faire, ce « Ségur de la santé » s'annonçant pour l'heure dévoué aux problèmes de l'hôpital public. « Les grands axes de la refondation annoncés sont visiblement très hospitalo-centrés », observait ainsi la semaine passée le SML dans un communiqué.
Conscients de la nécessité de venir en aide à l'hôpital public, les syndicats de médecins libéraux préviennent : il ne faudra pas oublier la médecine de ville. « Ce serait l’erreur de trop », estime le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF. Ce rendez-vous « ne doit pas engager une réforme de notre système de santé au détriment des professionnels de santé de ville », souligne de son côté MG France. « La France souffre en effet, et depuis de trop longues années, des insuffisances d’un système de soins trop centré sur les CHU, et d’un investissement insuffisant sur les soins primaires, poursuit l’organisation. Ce constat est partagé par la majorité des analystes et des experts. » « La réforme de l’hôpital est indispensable, comme il est tout aussi indispensable que la médecine de ville soit le pilier de notre système de santé, fait quant à elle valoir la CSMF. Si l’on veut améliorer le fonctionnement de l’hôpital, il faut aussi renforcer la médecine de ville. »
Les syndicats attendent des gestes forts
Les syndicats de médecins libéraux attendent donc des gestes forts de la part du gouvernement lors de ce « Ségur ». MG France plaide ainsi pour une « accélération » de l'organisation des soins de ville autour des CPTS (communautés professionnelles territoriales de santé), la « revalorisation immédiate de la visite du médecin traitant » pour favoriser le maintien à domicile ou encore pour le maintien du remboursement intégral par l’Assurance maladie des téléconsultations (mesure dérogatoire mise en place durant l'épidémie de Covid-19) afin de favoriser l’accès aux soins de premier recours.
Le syndicat présidé par Jacques Battistoni milite également pour « la mise en place d’une régulation libérale des demandes de soins non programmées (SNP) en journée s’appuyant sur le numéro d’appel spécifique 116 117 ». Pour rappel, ce numéro défendu à l'unisson par les syndicats, n'a pas été retenu par le gouvernement qui lui a préféré la mise en place du système d'accès aux soins, sorte de plateforme visant à répondre 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, 365 jours par an à la demande de soins des Français, avec un nouveau numéro d'appel qui n'est pas encore tranché. « Il faut que l'État accepte tous les projets bloqués de régulation de la prise en charge des SNP par les libéraux avec le 116 117 », abonde le Dr Jean-Paul Hamon. Cela permettrait selon le patron de la FMF aux services d'urgence « d'avoir les moyens d'accueillir les véritables urgences ».
De son côté, la CSMF souligne que « de nombreuses initiatives ont été prises sur le terrain avec des réussites tout à fait remarquables » par les médecins libéraux lors de la crise du coronavirus. Et ce, en « bousculant les règles administratives, en s’affranchissant des bureaucraties habituelles ». Le syndicat du Dr Jean-Paul Ortiz attend donc du « Ségur de la santé » qu'il rende « la place qu’ils doivent avoir aux soignants, tout particulièrement aux médecins dans l’ensemble des circuits de décisions, mettre à bas des obstacles administratifs de la dérive bureaucratique de notre système, abattre les cloisonnements et continuer ce que de nombreux médecins ont construit sur le terrain ».
Un « manifeste des soignants » et une lettre à Macron à la veille du « Ségur »
Revalorisation des carrières pour les soignants, égal accès aux soins pour tous, rattrapage pour la psychiatrie, réforme de l'assurance maladie, refonte des études de médecine… sont au programme d'un « manifeste des soignants » publié dimanche. Cet ensemble de propositions extrêmement détaillées, concernant l'ensemble des champs de la santé publique, est publié sur le site du quotidien Libération. Il est signé par des personnalités en première ligne dans la défense de l'hôpital public, dont des membres du Comité inter-hôpitaux (Antoine Pélissolo, François Salachas, André Grimaldi) ou inter-urgences (Hugo Huon), la sociologue Dominique Méda ou encore l'ancien directeur de Santé publique France, François Bourdillon.
Ce manifeste s'accompagne d'une lettre ouverte à Emmanuel Macron, rappelant l'inquiétude exprimée depuis des mois voire des années « quant à l'évolution extrêmement préoccupante du système de santé… sans réponse à la hauteur des problèmes soulevés ». « Et ce que nous craignions tous est advenu : un cataclysme. L'épidémie de Covid s'est abattue sur la nation, plaçant l'hôpital public fragile, démuni, désossé, en première ligne », poursuivent-ils.
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