12 millions d’élèves ont fait leur retour en classe lundi 4 septembre. Et avec eux, ce qui reste des contingents de professionnels de la santé scolaire – médecins, infirmiers, psychologues –, qui continuent à fondre comme neige au soleil, plongeant ce secteur dans le désarroi malgré les moyens alloués (1,3 milliard d’euros par an).
Les médecins de l’Éducation nationale sont concernés au premier chef. Selon un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), que Le Quotidien a pu consulter, les effectifs actualisés des médecins scolaires s’établissent à 843 personnes physiques, soit 818,59 équivalents temps plein (ETP) au 31 octobre 2022. « Le plafond d’emplois, fixé à 1 504 ETP au 1er septembre 2022, est donc sous-consommé à hauteur de 687, 41 ETP », relèvent les auteurs. Pire, une partie notable de ce contingent (18 %) est composée « de médecins de secteur qui ne sont pas en poste, mais placés dans d’autres positions : congé parental, détachement, détachement sur emploi fonctionnel ou disponibilité ». La baisse de médecins scolaires atteint 35 % sur dix ans, au regard notamment de la « faible attractivité de la fonction », qui minore les flux de recrutement.
Baisse des effectifs aussi chez les infirmiers
Une attrition que confirme la Dr Mechtilde Dippe, cosecrétaire du Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU). « Ce n’est pas nouveau mais la situation ne cesse de s’aggraver, déplore l’élue syndicale. On recense une cinquantaine de départs annuels à la retraite non remplacés. La situation est compliquée pour tous les collègues sur le terrain, nous subissons de très mauvaises conditions d’exercice. 800 médecins scolaires pour 12 millions d’élèves, c’est dérisoire. » Peu de candidats se présentent au concours (0,6 postulant par poste), tandis que le taux de couverture des postes ouverts par les admis était à peine supérieur à 50 % en 2021, ce qui aboutit à 300 postes vacants.
La décrue ne concerne pas que les praticiens. Toujours selon les inspections générales, les infirmiers scolaires enregistrent eux aussi une diminution de leurs effectifs. Les données « documentent pour le dernier exercice une baisse de 11 %, qui met fin à la stabilité antérieure dans le temps », peut-on lire. Précisément, le nombre d’infirmiers de l’Éducation nationale s’établit à 7 579 personnes physiques, une tendance qui dénote à nouveau une attractivité « altérée ». Seuls les psychologues scolaires semblent être épargnés, même si les auteurs « n’ont pas pu obtenir l’actualisation des chiffres demandée ».
Organisation empirique
Sur le terrain, les professionnels de la santé scolaire s’organisent de façon empirique pour assurer au mieux les examens de santé prévus par les textes. Si le bilan à 3-4 ans est assuré par les médecins des services de PMI, les praticiens et les infirmiers de l’Éducation nationale se répartissent les rôles pour les deux autres consultations de dépistage dont ils sont responsables – la visite médicale obligatoire des 5-6 ans et le bilan à 12 ans. Reste qu’à l’arrivée, les résultats ne sont guère glorieux. « Les situations sont très disparates sur le territoire mais on ne doit pas être à plus de 5 % des enfants vus en grande section de maternelle pour la visite médicale. Le bilan infirmier à 12 ans est mieux réalisé car les infirmiers sont plus nombreux », estime la Dr Dippe.
Un autre rapport sur cette pénurie, publié en mai dernier par le député Renaissance Robin Reda, révélait qu'un médecin scolaire devait suivre 12 800 élèves en moyenne, une situation ingérable. La dégradation des conditions de travail et la faiblesse des émoluments proposés – 2 800 à 5 900 euros net en fin de carrière, si l’on inclut la part indiciaire et les indemnités – expliquent largement le marasme de la santé scolaire, dans l'incapacité d'atteindre les objectifs assignés.
Alignement des planètes
La donne changera-t-elle ? C’est ce que veut croire la Dr Patricia Colson, secrétaire générale du Syndicat national des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (Snamspen/SGEN-CFDT). « Le président Macron a reconnu, dans l’émission HugoDécrypte, l’importance de la santé scolaire et nous devrions être prochainement reçus par le nouveau ministre de l’Éducation nationale. Peut-être que les planètes seront enfin alignées ? » De source syndicale, la grille indemnitaire des médecins scolaires pourrait se rapprocher de celle d'autres praticiens fonctionnaires.
Les professionnels appellent de leurs vœux un meilleur partage d’informations entre médecine scolaire, PMI et secteur libéral, grâce à la dématérialisation du carnet de santé de l’enfant. De fait, ils constatent la difficulté à orienter les élèves les plus fragiles vers des professionnels compétents extérieurs à l'Éducation nationale, au sein de la médecine de ville (médecin traitant, ophtalmologiste, orthophoniste, pédopsychiatre, psychologue). Il conviendrait aussi de développer des liens entre médecine scolaire et communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) autour de parcours de soins adaptés. Un nouveau « statut » partagé avec les praticiens de santé publique permettrait de valoriser cette médecine de prévention et de promotion de la santé afin d'incarner le virage préventif promis par l'exécutif. La reconnaissance de la médecine scolaire comme « pilier » de cette stratégie pourrait alors s'accompagner de moyens nouveaux.
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