Au terme de six mois de consultation avec la profession (Ordres, libéraux, etc.), la mission ministérielle « santé des soignants » — chargée en mars par Agnès Firmin Le Bodo de présenter un plan d'action — a rendu sa copie officielle, déjà en partie éventée. Rédigé par les Drs Marine Crest-Guilluy et Philippe Denormandie avec Alexis Bataille, infirmier, le document d'une cinquantaine de pages, qui doit préfigurer la feuille de route pluriannuelle du ministère attendue « courant décembre », liste plusieurs axes de travail.
Tout le monde concerné !
Le premier consiste à faire du sujet de la santé des soignants, cette fois, une priorité de santé publique, à tous les étages. Les auteurs préconisent par exemple d'introduire un volet « santé des soignants » dans chaque projet d'établissement, mais aussi – côté libéraux – au sein des maisons de santé et des CPTS. Concrètement, chaque établissement ou collectif structuré devrait se doter d'un plan pluriannuel sur la santé des soignants reposant sur des indicateurs qualitatifs et quantitatifs. Ce plan a vocation à être « présenté annuellement » devant l'ensemble des instances et organisations de la structure ».
Ce volet insiste sur la valorisation des initiatives locales qui marchent et une intensification de la recherche sur la thématique de la santé des soignants.
Formation : veiller sur sa santé
Il convient aussi de diffuser au maximum cette culture. « La formation initiale et continue des professionnels de santé en matière d'autoprévention et gestion de sa propre santé est partielle, voire inexistante dans certains cas », se désolent les auteurs. Cette thématique doit donc être intégrée dans les cursus de formation initiale et continue des blouses blanches. Côté formation initiale, une unité dédiée pourrait être créée. Ce module serait commun à toutes les formations en santé, y compris les cursus qui préparent à des métiers ne disposant pas d'un Ordre professionnel.
Et s'agissant de la formation continue, il est recommandé que la santé des professionnels devienne une « orientation à part entière » du développement professionnel continu (DPC). Les cadres, directeurs et formateurs doivent être sensibilisés de leur côté à cette thématique dans le cadre de leur formation afin de favoriser un management bienveillant.
Des IPA et infirmiers spécialisés
La prévention des risques professionnels n'est pas occultée. Avant toute chose, la mission insiste sur la nécessité de repenser l'organisation et l'offre de médecine de santé au travail, « véritable cheville ouvrière de la prévention des risques ». Ainsi, de véritables équipes pluridisciplinaires de prévention en santé en travail, ayant pour chef d'orchestre un médecin épaulé par des infirmiers en pratique avancée (IPA) en santé au travail au côté des infirmiers spécialisés, sont des modèles à encourager.
La mission attire aussi l'attention sur l'urgence d'ouvrir la médecine du travail aux libéraux alors que ces derniers sont « plus difficiles à toucher pour des raisons structurelles et organisationnelles ». Il est préconisé d'inclure une visite médicale obligatoire lors de l'installation de chaque nouveau médecin.
Le rapport met également l'accent sur l'intérêt d'instaurer une ligne d'écoute accessible 24h/24 et 7J/7 à tous les soignants en souffrance (il en existe déjà). Tout au long des parcours de santé, un dispositif inspiré de MonParcoursPsy, avec des consultations de prévention, serait bienvenu. Une plateforme unique regroupant diverses aides (psychologique, juridique, administrative) pourrait répondre à de nombreuses situations de détresse, notent les rapporteurs.
Accent sur la santé des femmes
La mission souligne aussi l'importance de développer une prévention dédiée à la santé des soignantes (étudiantes et en exercice). Elle invite les établissements à proposer des accompagnements de grossesse adaptés ou à promouvoir les dépistages des cancers féminins sur les lieux d'exercice.
La mission exhorte aussi les autorités à intensifier les politiques publiques de reconnaissance du sexisme et du harcèlement dans le secteur et à renforcer les moyens pour les combattre. « Sur ce point, il semble important d'assurer la protection juridique et la sécurité des postes des professionnelles », peut-on lire.
Offre dédiée, hors du lieu de travail
Il est aussi indispensable de développer une offre de santé territoriale dédiée à la prise en charge des soignants (et localisée en dehors de leurs lieux d'exercice). « Celle-ci pourrait trouver sa place au sein de maisons de santé ou d'unités de soin spécifiques où des programmes complets de prévention et de promotion de la santé sont réalisés et animés par une équipe pluridisciplinaire adaptée », écrit la mission. La maison santé prévention de l'hôpital Foch ou la maison des soignants de l'association SPS sont citées.
Cette offre locale adaptée est même un enjeu majeur alors que 35 % des soignants déclarent consulter moins d'une fois par an un médecin, selon l'enquête sur l'état de santé des soignants, dévoilée fin mai par Agnès Firmin Le Bodo.
Pilotage interministériel
Enfin, pour coordonner cette stratégie, un pilotage unifié est recommandé, à la faveur d'une structure interministérielle ad hoc. Celle-ci serait chargée d'animer de façon transversale les travaux des directions et administrations des ministères impliqués et d'intégrer les associations professionnelles et syndicales volontaires.
Reste à savoir quelles mesures de cette boîte à outils seront retenues par le gouvernement cet hiver. « Ce rapport n'est pas une fin en soi, insiste le trio d'auteurs, mais le début d'un effort collectif pluridisciplinaire pour prendre en charge cette problématique de manière durable ». Parce qu'un soignant en bonne santé est « davantage en mesure de fournir des soins de qualité ».
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