Afin de faciliter l’accès aux soins, notamment en limitant les restes à charge et le renoncement aux soins des ménages, les pouvoirs publics s'appuient traditionnellement, entre autres outils, sur des questionnaires et des indicateurs de santé ad hoc.
Mais une enquête de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, (Drees) vient remettre en question la fiabilité, sinon des indicateurs eux-mêmes, du moins la manière dont les questions qu’ils contiennent sont posées au fil des ans. « La mesure du renoncement aux soins est très sensible à la formulation des questions », note l’auteur de l’étude, Aude Lapinte.
Exemples à l’appui. Ainsi, en 2020, « d’après l’enquête Statistiques sur les ressources et les conditions de vie de l’Insee, 4,4 % de la population déclare avoir renoncé à un traitement médical dont 2 % pour des raisons financières ». Un taux deux fois plus élevé qu’en 2019. On pourrait penser, a priori, étant donné qu’il s’agit d’une enquête réalisée par le même organisme sur deux années qui se suivent, que les résultats peuvent faire l’objet d’une comparaison fiable.
Interprétations individuelles
Or, ce n’est pas le cas. Selon la Drees, « le taux de renoncement aux soins est en effet un indicateur construit à partir des réponses d’enquêtés à des questions subjectives ». Non seulement ces dernières reposent sur des interprétations individuelles des termes proposés tels que « besoin », « soin » et « renoncement », mais également « sur des tournures de questions différentes entre les enquêtes qui donnent lieu à des interprétations qui ne sont pas toujours équivalentes ».
Une réalité déjà mise en exergue dans une étude précédente publiée en 2015 par deux autres chercheurs de la Drees, Renaud Legal et Augustin Vicard. Ceux-ci « révélaient que les taux peuvent varier de 15 points selon la formulation et alertent sur le fait que le suivi dans le temps n’est pas possible dès lors que, sur la période d’observation, la formulation de la question change ».
Incidence du type de groupe social
Pour vérifier le phénomène et tester l’effet des différents énoncés sur le taux de renoncement, « le sujet a été introduit ponctuellement dans l’édition 2019 du Baromètre d’opinion » de la Drees, qui suit chaque année, depuis 2000, l’évolution de l’opinion des Français à l’égard de la santé, de la protection sociale et des inégalités sociales.
Quatre sous-échantillons des personnes interrogées ont ainsi été créés de façon aléatoire, avec une formulation différente de l’interrogation sur le renoncement aux soins pour chacun d’entre eux. À l’arrivée, selon les échantillons, le taux de renoncement obtenu varie entre 7,7 % et 18,8 %. Soit un rapport de 1 à 2,4. Une analyse plus fine montre que l’impact du changement de formulation varie également selon les groupes sociaux auxquels appartiennent les répondants. Ainsi, « le rapport entre le renoncement des 20 % des plus modestes et celui observé sur l’ensemble de la population varie entre 1,6 à 2 selon la formulation », poursuit la Drees. À noter toutefois que cette dernière n’affecte pas les écarts entre les groupes sociaux mais leur ampleur.
Pour autant, la comparaison entre différents résultats de déclarations de renoncements aux soins demeure pertinente. Mais à condition « de comparer les taux de renoncement une année donnée, avec une source de donnée, entre différentes catégories de la population et éventuellement, lorsque les informations existent, entre différents postes de soins », conclut l'étude.
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