Le gouvernement nous demande de faire encore des efforts alors que nous sommes au bord du précipice. Les équipes sont entrées dans une phase de découragement. Après la première vague, des infirmières ont quitté le service. A la fin de cette troisième vague, des médecins devraient annoncer leur démission.
En ce qui nous concerne, il s’avère impossible d’assurer la prise en charge de nouveaux patients. Nous sommes déjà à 44 lits. Il faudrait, pour respecter le seuil des 10 000 lits, monter à 70 lits. Est-il nécessaire de confirmer que nous n’avons ni les soignants, ni les équipements pour réaliser cette montée en puissance ? Je ne vois pas comment créer des lits supplémentaires. J’ai annulé les vacances de nos équipes en 2020 puis en 2021. On peut parler de détresse chez les professionnels de la réanimation.
A l’extérieur de l’hôpital, le climat est de plus en plus délétère. Je reçois des appels en provenance d’associations de type Stop au confinement qui m’agressent au téléphone, envoient des lettres de pression, comparent le nombre de patients décédés à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2 au nombre de tués sur la route. Certains médecins auraient même reçu des menaces de mort. On peut noter en ce printemps 2021 une absence totale de solidarité citoyenne. Les fêtes, les rassemblements se multiplient au mépris de la santé publique. La situation n’a rien à voir avec celle qui prévalait l’année dernière où nous étions émus par les gestes, les témoignages de reconnaissance adressés au quotidien.
En ce qui concerne le tri, il est déjà réalisé par les instances lorsqu’elles nous demandent de déprogrammer des interventions chirurgicales ou de cardiologie, elles nous demandent déjà de faire du tri…. Soyons clair, il a déjà commencé en dehors des services de réanimation.
Enfin, les patients pris en charge dans le service sont de plus en plus jeunes. Le phénomène est observé depuis le début du mois de mars. Lors de la première vague et au début de la deuxième vague, l’âge moyen était de 63 ans. Depuis un mois il a chuté à 57 ans. Le dernier patient décédé avait 34 ans. Aujourd’hui 1er avril, l’âge des malades est de 53 ans, 47 ans, 58 ans, 67 ans, 46 ans, 71 ans, 44 ans, 50 ans, 53 ans, 51 ans, 33 ans, 67 ans... Les femmes représentent désormais 30% des patients. Le pourcentage n’était que de 20% il y a quelques mois. Nous avons également accueilli des patients vaccinés. Ils avaient toutefois reçu une seule dose. Et leur état était moins préoccupant que d’autres malades. Au regard de ces données, on peut parler d’état critique pour les services de réa.
* chef de service de réanimation à l’hôpital Avicenne.
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