Le « palmarès des médecins experts » publié par le magazine le Point, le 27 avril dernier, n'en finit pas de faire parler de lui. Et, ce, de manière plutôt négative au sein de la profession.
Dans un communiqué commun, la Conférence des doyens de médecine, le Conseil national de l’Ordre des médecins, le Conseil national des universités santé, les Conférences des présidents de CME de CHU et des directeurs généraux de CHU font front commun et s'opposent fermement au palmarès proposé par l'hebdomadaire.
« Ce classement, qui se fonde sur des informations subjectives et tronquées, porte préjudice tant aux praticiens qu’à la médecine et donc aux patients », dénoncent-ils unanimement.
Un palmarès non représentatif
Selon les signataires, le classement, qui répertorie 1 000 praticiens issus de 14 disciplines médicales et chirurgicales en France (sur la base de plus de 30 000 publications scientifiques, d'après Le Point), « porte atteinte de manière grave à la déontologie médicale et risque d’induire en erreur les patients ».
Opposé au principe d'un tel palmarès, l'Ordre des médecins avait donné la consigne de ne pas répondre aux questionnaires du Point. La plupart des médecins cités dans le classement « n'ont pas répondu aux questionnaires » tandis que « certains experts de très grande qualité sont au contraire absents du classement car ils ont pris le temps d’exiger explicitement auprès du journal de ne pas y figurer », peut-on lire dans le communiqué.
Autre point problématique souligné par les signataires ? La remise en question de « la capacité des médecins généralistes à orienter leurs patients vers des praticiens de qualité adaptés à leur pathologie ».
Les signataires à l'origine du communiqué contestent par ailleurs la méthodologie appliquée pour l'élaboration de ce classement. « Les trois critères utilisés par le palmarès (« notoriété », « nombre de publications », et « score Le Point » proche du score SIGAPS pourtant décrié) sont redondants et concernent quasi exclusivement les publications médicales des médecins », écrivent-ils.
D'ailleurs, les « critères d’évaluation des publications ne sont en aucun cas une évaluation de la qualité de la recherche. En effet, dans les publications citées, tout est mélangé, le meilleur comme le pire, y compris les publications dans des revues considérées comme "prédatrices" ! », dénoncent-ils.
Pour eux, cette méthodologie « va à l'encontre de toutes les recommandations académiques nationales et internationales qui privilégient l’évaluation qualitative de la recherche ».
Plusieurs paramètres occultés
Ce palmarès « est celui des publications scientifiques des médecins et ne traduit donc pas la réalité de l’exercice du soin », tancent-ils encore.
En effet, selon eux, ce palmarès exclut les trois autres paramètres fondamentaux de la certification périodique des soignants (garantissant notamment la qualité des pratiques professionnelles et les compétences des praticiens). « Ce classement n’évalue que l’activité académique (...) Rappelons que la certification comporte quatre catégories : la connaissance (et pas seulement sa diffusion), mais aussi et surtout la compétence professionnelle, la relation avec les patients, et la santé des soignants. »
« À l’heure où de très nombreux patients demandent avant tout un accès aux soins, cette initiative est très contestable au plan éthique car elle prend le risque d’induire en erreur la population s’agissant de ce qu’elle a de plus précieux, sa santé », finissent-ils par écrire.
De son côté, Le Point a souhaité répondre aux critiques : « Nous n'avons jamais prétendu faire le classement des meilleurs médecins. Nous l'avons écrit et nous le redisons évidemment sans hésiter : on peut être un excellent médecin sans publier. Nous ne disons donc pas que nous avons constitué le palmarès des « meilleurs », mais que ce sont des praticiens experts dans leurs domaines, actifs et entraînés », peut-on lire dans un article daté du 5 mai.
Pression sur les médecins ?
Parallèlement, le Point a dénoncé, dans ce même article, l'action d'obstruction réalisée par le Cnom pour mener à bien leur enquête. « Avant même la publication, le Conseil national de l'Ordre de médecins (Cnom) nous a mis des bâtons dans les roues en indiquant aux « médecins qui apparaîtraient et seraient mis en avant dans un palmarès des médecins experts » qu'ils étaient « susceptibles d'être sanctionnés déontologiquement » ». Malgré « la pression exercée par le Cnom sur les médecins, nous avons poursuivi notre enquête en nous appuyant sur l'avis d'une cinquantaine d'experts, dont nous avons choisi de préserver l'anonymat par crainte des sanctions qui pesaient sur eux », écrivent-ils.
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