Adopté après trois 49.3 à l'Assemblée nationale, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2024) a été largement revu et corrigé par la commission des affaires sociales du Sénat, dominée par l'opposition de droite. Sous la présidence du sénateur (LR) Philippe Mouiller, la commission a adopté plus de 150 amendements avant la discussion en séance à partir de lundi prochain.
Plus de déficit, moins de qualité
Entouré des rapporteurs du texte, l'élu des Deux Sèvres a souhaité ce jeudi adresser « un message politique » au gouvernement, en annonçant le rejet pur et simple par la commission de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) 2024 (254,9 milliards d'euros, + 3,2 %), jugé « insincère » en raison des trajectoires financières présentées.
La branche maladie est particulièrement dans le viseur. Son déficit devrait flirter avec les 10 milliards d'euros par an jusqu'en 2027 (8,8 milliards d'euros en 2023 puis 11,2 milliards en 2024). Rapporteure générale du PLFSS, la sénatrice centriste Élisabeth Doineau (Mayenne) juge que « la trajectoire du déficit est un aveu d'impuissance qui indique clairement qu'on laisse la dette sociale à la génération future. On met en danger notre système social ». Face à cette situation alarmante, qui nécessiterait des « décisions difficiles en termes de recettes et de dépenses » pour juguler la dette, le gouvernement opère « un listing de mesures, sans vision globale ». « Par manque de réformes structurelles, on continue dans la même logique, avec plus de moyens, plus de déficit et moins de qualité de soins », a taclé Philippe Mouiller.
Contrôle des IJ et taxe lapins !
Dans ce contexte, la commission a enrichi le volet régulation des dépenses. Le maître mot est la « responsabilisation » des acteurs – patients et professionnels. La commission a ainsi apporté son soutien au dispositif visant à diminuer les arrêts de travail non justifiés en facilitant les contrôles et les sanctions (y compris en suspendant automatiquement les IJ à compter du rapport du médecin contrôleur mandaté par l'employeur). Les sénateurs ont aussi validé la mesure qui limite à trois jours la durée des arrêts de travail prescrits ou renouvelés par téléconsultation.
Mais la commission est allé plus loin en souhaitant mettre à contribution les patients qui ne respectent pas leur rendez-vous programmé en ville. Les assurés indélicats qui posent ces « lapins » devraient payer une « somme forfaitaire » dont le montant sera fixé par décret. Porté par la sénatrice LR Corinne Imbert (Charente-Maritime), le texte précise « qu'une partie de cette somme, définie dans le cadre des négociations conventionnelles, pourrait être reversée par l'assurance-maladie aux professionnels de santé concernés en indemnisation ».
DMP, pertinence des soins : rémunération modulée ?
Alors que les négociations Cnam/médecins vont reprendre le 15 novembre, un autre amendement porté par la pharmacienne Corinne Imbert prévoit que les partenaires conventionnels puissent fixer les conditions dans lesquelles la rémunération des professionnels pourra être « modulée » selon, d'une part, leur degré d'utilisation du DMP et, d'autre part, leur participation à l'effort de maîtrise des dépenses maladie et de pertinence des soins. Pour la sénatrice, une telle évolution inciterait les praticiens à contribuer au déploiement du DMP, à la limitation des actes inutiles et redondants et à la régulation des dépenses.
Si la commission soutient la généralisation des expérimentations en santé (issues de l'article 51) sous la forme de « parcours coordonnés renforcés » au forfait, elle souhaite mieux impliquer les représentants des professionnels dans la définition de ces rémunérations forfaitaires. Une façon de rassurer l'Union nationale des professionnels de santé (UNPS, libéraux) qui craint un contournement du système conventionnel.
La dispensation à l'unité, c'est niet !
Pour favoriser l'accès aux médicaments dans un contexte de pénurie de certains produits, la commission soutient la délivrance sans ordonnance par les pharmaciens d’antibiotiques contre les cystites et les angines, après la réalisation d'un test rapide d'orientation diagnostique (Trod), mesure promue par le gouvernement.
En revanche, la commission sénatoriale a écarté la mesure qui rend obligatoire la délivrance à l’unité en cas de rupture d'approvisionnement. Selon Corinne Imbert, il s'agit d'une « fausse bonne idée ». « On a surtout des tensions sur les formes pédiatriques, a justifié la rapporteure, elle-même pharmacienne. Et on n’a pas besoin que cela soit inscrit dans la loi pour que les pharmaciens le fassent… ».
Réforme de la T2A reportée aux calendes grecques ?
À l'hôpital, si la commission se montre favorable à la diversification du financement des activités MCO, en réduisant la part de tarification à l'activité (T2A), elle estime là encore que c'est « une réforme en trompe-l’œil », « précipitée » et « impréparée car sans aucune anticipation des effets financiers ». « Comment peut-elle se faire en un claquement de doigts alors que certains établissements sont en difficulté ? Si on considère que cette réforme se fait à enveloppe constante – et le ministre ne semble pas dire le contraire – alors il y aura des gagnants… et des perdants », a lancé Corinne Imbert. C'est pourquoi la commission proposera de reporter cette réforme au 1er janvier 2028… après une expérimentation préalable permettant d'affiner le modèle cible.
Les sénateurs ont enfin soulevé des « interrogations » et des « non-dits » sur la question des franchises médicales, ce reste à charge pour les assurés quand ils achètent des médicaments (50 centimes par boîte) ou voient un médecin (1 euro par consultation). La droite sénatoriale devrait voter une mesure visant à obliger le gouvernement à consulter le Parlement avant tout projet de décret sur la question sensible des franchises.
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