La France dépense beaucoup pour notre système de soins. Elle mobilise 11 % du PIB pour un résultat devenu médiocre.
Les défis du vieillissement de la population, l’amplification des maladies chroniques et la révolution technologique sans précédent qui s’accélère sont au-devant de la scène des dépenses. L'administration de plus en plus pléthorique absorbe toutes les marges financières pour payer cette masse salariale.
Selon les Québécois, soumis avant nous à ce fléau : « À partir d’une certaine masse critique, une bureaucratie tend à croître de façon exponentielle secrétant ses propres organes, échappe à tout contrôle et paralyse les soins !
Sans boule de cristal, on peut dire que trois scénarios sont possibles.
Premier scénario : le changement à petits pas, sans rupture.
C’est la stratégie actuelle, qui consiste à faire évoluer notre modèle de système de santé solidaire sans le bouleverser. Cela signifie multiplier les maisons de santé, améliorer le parcours de soins et la coopération entre professionnels...
Les données de santé seraient utilisées de façon maîtrisée pour faciliter les échanges autour du patient (DMP, messageries sécurisées, aides en ligne, etc.).
Je crains que cette vision soit trop optimiste, car tout le système est au bord de la rupture et le coûteux DMP (le dossier médical partagé) est un échec.
Des hôpitaux neufs sont sortis de terre, mais à quel prix ? Ils sont le bel arbre qui cache la décrépitude des autres. Pendant ce temps, les malades attendent aux urgences surchargées : 8 millions de patients en 1988, plus de 21 millions en 2017 avec 31 000 000 d’appels au SAMU !
Trop de postes hospitaliers sont pourvus par des médecins qui n’ont pas nos diplômes avec trop de vacataires, voire des mercenaires !
Cette lente détérioration aboutit à des listes d’attente qui s’allongent et à une médecine à deux vitesses. La démotivation des équipes entraîne suicides, arrêts de travail, démissions, insatisfaction des usagers, burn-out des soignants et des situations de harcèlement…
Socialement, le système est dans une autodestruction et ne produit que de la souffrance. En cas de doute, il suffit d’écouter les confrères raconter leur CME ou lire les appels et lettres aux pouvoirs publics.
Toutes les agences de santé et les conseillers multiplient les structures et les commissions augmentant sans cesse le nombre d’administratifs comme au Québec dont la France suit le triste exemple.
À ce rythme ce sera l’explosion ou l’effondrement si on ne dégraisse pas le Mammouth administratif.
Second scénario : une transformation plus franche…
Mais en conservant le principe d’un système fondé sur la solidarité.
Il table sur la mise en place d’une synergie des acteurs publics, privés et des mutuelles, mais aussi sur le changement de statut des hôpitaux avec davantage d’autonomie, notamment dans la gestion des ressources humaines et financières.
Cela semble celui qui est retenu par notre Premier ministre, mais il est utopique, car l’administration auto entretient sa pléthore qui échappe à tout contrôle même des ministres.
Je crains donc que comme le premier scénario il ne mène au troisième !
Troisième scénario : la désintégration
C’est un scénario de réglementation à l’extrême : judiciarisation et la dilution des responsabilités à travers les réunions de concertation… Puis, randomisations des études, accréditations et certifications diverses !
L’État veut gérer la pénurie et limiter les dépenses grâce à la robotique, à l’informatique et aux Datas, mais la bureaucratie étouffe le système de santé. «Dégraissons le mammouth» comme l’ont fait les Québécois !
De plus je crains qu’utiliser la toute-puissance du big data, l’intelligence artificielle et la e-santé seront des chevaux de Troie, des ogres modernes qui feraient exploser notre modèle égalitaire.
La désintégration du système est-elle inéluctable face à la puissance des GAFA pour lesquelles la e-santé est une manne financière considérable ?
Peut-être pas si on accepte de faire marcher le système sur ses deux jambes, libérale et hospitalière.
Quelles solutions pour éviter ces drames ?
Et si on revenait tout simplement en arrière quand nous étions n° 1 en mariant la qualité et le modernisme ? On va m’accuser d’être passéiste, voire réac !
Simplifier la gouvernance est une priorité tant à l’hôpital que dans les régions. Le cursus médical doit changer de fond en comble. Il faut repenser les études de médecine avec un vrai externat formateur qui donnait en 4 ans de très bons médecins. On formerait à nouveau d’excellents médecins «de famille». De vrais internes nommés par concours, donc l’excellence et non des «Dr Juniors» en formation !
Faute de décisions rapides, le système explosera !
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