La campagne des départementales s’est lancée doucement. À un mois de l’échéance il était encore difficile de connaître les priorités de nombreux candidats. Dans les programmes, la santé revient souvent sous les mêmes thématiques, généralement en collant aux compétences sociales du département (voir p.10). L’aide et les structures à destination des personnes âgées y figurent en bonne place. Le projet de la majorité départementale PS en Touraine annonce par exemple « un plan EHPAD » pour « rénover et construire de nouveaux établissements » ; dans les Deux-Sèvres le rassemblement écologiste-socialiste veut créer un numéro unique pour toutes les démarches liées à l’autonomie ; en Dordogne, l’union des partis de droite, l’UDD (Union départementale pour la Dordogne), veut mettre en place une APA (Allocation Personnalisée d’Autonomie) d’urgence. La liste est encore longue et les mesures proposées plus ou moins précises.
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Témoins privilégiés du vieillissement de la population
Rôle du département mis à part, la thématique occupe le débat public parce qu’elle est parfois liée à un contexte : Pascal Martin, généraliste à Vire, est le candidat UMP pour le canton de Vire (Calvados): « Ici, la population vieillit de plus en plus, le département doit donc réfléchir et envisager les besoins à venir sur le canton. Doit-on mettre en place des foyers logements ? y a-t-il suffisamment de place en maison de retraite ? », explique-t-il. « En tant que généralistes nous sommes des témoins privilégiés auprès des personnes âgées, souligne le Dr Stéphane Veyriras, généraliste à Nantiat (Haute-Vienne) et conseiller général PS depuis 1988, on peut donc constater les évolutions, des besoins notamment, pour les accompagnements, qui cibler, etc. ».
À l’image d’un médecin généraliste, le département est chargé de suivre les individus de la naissance à la mort : centres de PMI, Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), prestation de compensation du handicap, Centre d’Information Départemental Pour l’Autonomie (CIDPA) font partie du champ d’action de cette collectivité locale. Ceci explique que le social et la solidarité trouvent une bonne place dans les programmes, mais pour des engagements plus ou moins précis.
Hors compétences spécifiques du conseil général, la santé réapparaît aussi dans la campagne sous la forme de particularités cantonales. Ici, la fermeture de la maternité de Dourdan (Essonne) va alimenter le débat entre les partis?; là, les différents candidats vont se positionner sur l’avenir en pointillés de l’hôpital de Lourdes (Hautes-Pyrénées), dans le canton de Lot et Montbazinois (Aveyron) certains mettent en avant leur soutien aux projets des maisons de santé de Capdenac et Montbazens. Des considérations très locales donc, mais lorsqu’on se penche sur les sujets de santé qui alimentent le débat de ces départementales, la démographie médicale, le désert médical est sans doute celui qui revient le plus souvent. Dans la Sarthe, dans son programme, la majorité départementale de droite annonce la couleur : le développement des territoires sarthois est le premier point du programme qui rappelle que « ces dernières années, la majorité départementale a fait de la démographie médicale une de ses principales priorités », rappelant sa participation dans le financement de 12 maisons de santé. La majorité départementale socialiste en Touraine annonce, elle aussi dans son programme 2015, des « fonds de 350 000 euros pour soutenir la création de Maisons de santé pluridisciplinaires ».
Un risque de désertification médicale
Pourtant, l’installation des professionnels de santé sur un territoire n’est pas directement du ressort du département, même s’il est concerné par l’aménagement du territoire. C’est bien l’État, relayé en région par les ARS, qui est en première ligne sur ce sujet. Le Dr Veyriras est candidat à sa réélection comme conseiller départemental dans le canton de Bellac. Canton qui – comme les autres – a été modifié et réunit en fait trois anciens cantons, passant de 11 communes à 26 : « Une partie du canton qui a été rattachée est plus éloignée de Limoges et présente un risque de désertification médicale avec une baisse des services des généralistes et des paramédicaux », explique-t-il. « Effectivement, la problématique ne rentre pas directement dans la compétence du conseil général, mais c’est un vrai problème de terrain. S’il n’y a plus de médecins, les pharmaciens vont en pâtir également, donc cela joue aussi sur l’activité économique... Cela impacte de toute façon le côté social et préventif dont le département est obligé de s’occuper », confie le généraliste de Nantiat.
[[asset:image:4741 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":["\u0022La d\u00e9sertification m\u00e9dicale est un vrai probl\u00e8me de terrain\u0022 "]}]]Même constat du côté de Pierre Abet. Ce généraliste de Limoux (Aude) est candidat pour la première fois à une élection, il se présente dans le canton de Limoux, sans étiquette; et, là aussi, la démographie médicale est un enjeu de taille : « Demain, la moitié des libéraux vont partir en retraite », alerte le candidat, on est donc obligé de se mouiller avec le conseil général ». Pour lui aussi, l’implication du département sur ces questions-là tient à sa situation, plus proche des problèmes de terrain. « On navigue un peu à vue, mais comme on est plus proche des citoyens, on peut faire remonter les problèmes. On doit être un relais. C’est important d’avoir une grande concertation avec les ARS notamment, de les interpeller sur les réalités de santé sur le terrain », argumente Pierre Abet. Le généraliste expérimente d’ailleurs déjà cette fonction de relais à l’heure actuelle : à Limoux, les généralistes n’effectuent plus la permanence des soins « économiquement non viable dans ce secteur ». Celui qui a toujours eu le goût de l’urgence et qui a été régulateur du centre 15 veut faire passer son message ; pour lui, en matière de PDS, la solution « passera par du salariat et le réseau des hôpitaux locaux ».
Les ébauches de solution peuvent donc venir d’un échelon local, du département entre autres. Hôpital de proximité, Maisons de santé pluridisciplinaires, relation ville-hôpital... Les solutions divergent selon le contexte et les structures déjà existantes et la participation des départements, au-delà du rôle d’observateur et de conseil, est souvent financière. « L’implication des départements sur les questions de santé varie beaucoup d’un département à l’autre, explique Thomas Penne, directeur de l’URPS Franche- Comté. Par exemple, dans la collaboration avec les URPS, c’est au cas par cas, nous on discute davantage avec le conseil régional que général ». À l’URPS Basse-Normandie, en revanche, le département est un partenaire régulier et important : « Ce sont des acteurs de la santé sur le territoire, ils financent notamment des projets de groupement, note le Dr Antoine Leveneur président de l’URPS Basse-Normandie. Dans cette région, cette participation du département est acquise car en 2008 tout le monde (ARS, conseils généraux, conseil régional) a signé une charte régionale pour agir sur la démographie médicale. Nous avons donc déjà une politique très structurée avec eux. Je crois qu’ils ont compris que dans le cadre de l’aménagement du territoire, c’était dans leur intérêt de s’impliquer sur ces questions de santé », développe le président de l’URPS.
Stimuler et désenclaver
« Aller voir ce qu’il se passe au-dessus », comme l’explique Pascal Martin est une démarche positive. Dans la Manche, le généraliste candidat est lui aussi confronté au désert médical, et pour lui, même indirectement, les compétences du département peuvent jouer sur les questions de santé : « Au-delà des questions de santé, dans cette campagne, l’ordre du jour chez nous est aussi au développement économique, à l’emploi. Stimuler le canton de Vire, ça veut dire aussi le désenclaver et cela peut avoir une influence sur la démographie médicale ». Même chose à ses yeux pour le développement des routes, une compétence départementale : « Être dans une zone où il existe des voies de communication importantes est également un facteur important pour les médecins et contre le désert médical ».
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Maintenir l’échelon départemental
Au total, même si en matière de santé, les départements ne sont donc pas en première ligne, il est important pour eux de rester engagés sur ces thèmes. Et les candidats à une élection départementale sont naturellement pour le maintien de l’échelon départemental « parce que quand on peut régler quelque chose à l’échelon local, ça passe mieux », estime le Dr Abet. De plus, en pleine réforme territoriale, les grandes régions à venir risque d’éloigner les points de décision du vécu quotidien des concitoyens. Le canton de Vire du Dr Martin fera partie de la future région Normandie : « Avec cette nouvelle configuration, et si la capitale est Rouen, nous serons excentrés dans cette grande région. L’ARS risque d’être trop éloigné de la réalité de terrain?; à l’échelon départemental, on est plus au fait de ce qui se passe ». Attention, cela ne veut pas forcément dire vouloir faire le travail des autres à leur place. L’offre de soins en milieu rural ne dépend pas du département et pour certains c’est finalement mieux ainsi : « On ne veut pas tout récupérer de ces compétences », précise le Dr Veyriras, cela retomberait sur la fiscalité. Il ne faut pas que l’État se désengage ». Faire entendre sa voix en matière de santé, oui, mais prendre les commandes pas forcément...
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