Depuis la révélation de l’affaire Pelloux par la Pr Karine Lacombe, le mouvement #MeToo à l’hôpital prend de l’ampleur. L’Intersyndicale nationale des internes (Isni) lance un appel à témoignages national, pour libérer la parole et accompagner les internes victimes de violences sexistes et sexuelles.
L’Isni publie une vidéo choc qui raconte la journée d’une jeune interne, Sophie, très tendue, car harcelée toute la journée par un chirurgien. Ce dernier lui ajuste sa blouse tout en lui tenant des propos inadmissibles : « Alors ma princesse, tu n’as pas mis ton décolleté aujourd’hui ». Puis, au moment de faire un plâtre : « On fait comme d’habitude, tu mouilles et moi je bande ». Quand l’interne tente de mettre fin à ses agissements, le médecin lui remet une pression supplémentaire : « Il va falloir te détendre, surtout si tu veux valider ton stage. »
Selon le syndicat, la moitié des internes subit ce type d’agression dans le cadre de ses études. En témoigne la fréquence très élevée des suicides (un tous les 18 jours) : « On nous tue. Aidez-nous à vivre », conclut l’intersyndicale.
Le syndicat propose aux internes en détresse psychologique une aide financière pour obtenir l’assistance d’un avocat et rappelle l’existence d’une ligne d’écoute (0 800 737 800), gratuite et confidentielle de 10 heures à 21 heures en semaine et de 10 heures à 14 heures le samedi.
Plusieurs cas emblématiques ont été déjà mis sous les feux de la rampe. L’Isni a porté plainte en novembre 2023 pour des faits de harcèlement moral contre deux professeurs du service de neurochirurgie de Rennes. En février, un professeur praticien des universités a été condamné à trois mois ferme d’interdiction d’exercer pour des manquements à la morale et à la probité du code de déontologie médicale.
Nicolas Revel (AP-HP) : « Une politique de tolérance zéro »
Le directeur général de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris (AH-HP) a révélé sur France Info mardi 23 avril que « quatre professeurs de médecine, juste sur l'année 2023-2024, ont été suspendus pour des faits de harcèlement, soit sexuel, soit moral, au sein de l'AP-HP ». Nicolas Revel assure qu’« il y a eu une politique de tolérance zéro qui est en place à l'AP-HP comme dans l'ensemble des hôpitaux » sur ce type de comportement. « Quand on doit enquêter, parce qu'il faut évidemment les vérifier, on le fait. Quand on doit sanctionner, on sanctionne », assure-t-il.
Concernant la situation actuelle des violences à l’hôpital, le patron de l’hôpital n’est pas dans le déni : « Il y a encore aujourd'hui, en effet, des actes, des comportements, des propos qui ne sont pas acceptables. » Pour autant, il ne considère pas que ce phénomène y soit « systémique ». L'AP-HP a lancé en novembre une grande campagne de communication interne pour sensibiliser les personnels. Une cellule centrale a été mise en place il y a trois ans, mais le directeur n’a révélé aucun chiffre sur ce dispositif.
À cette époque pourtant, un rapport accablant réalisé par l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) avait tiré sur la sonnette d’alarme. Le ministre de la Santé d’alors, Olivier Véran, s’était engagé à mettre en place des modalités de signalement claires et à favoriser l’alerte. Trois ans plus tard, son successeur Frédéric Valletoux, qui a promis de « travailler sur une réponse globale et ferme », s’apprête à faire de même.
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